Entrée du personnel

“À l’origine du projet, confie Manuela Fresil, l’expérience sidérante d’un abattoir industriel”. Utilisant la “poïétique”, qui recrée la réalité en faisant interpréter les témoignages (au mot près) par des comédiens afin de protéger l’anonymat des employés, la réalisatrice livre un documentaire coup de poing sur les conditions d’existence du personnel de divers abattoirs de Bretagne, des ouvriers aux agents de maîtrise. Au fil des phrases alliant constats pratiques (“C’est la prime qui fait le salaire”) aux confidences les plus effrayantes (“Tu ne sais pas, quand tu débaucheras, s’il te manquera pas une main”), on découvre un univers où machines, humains et animaux finissent par se confondre. Tous parlent de cauchemars (“C’est curieux, c’est toujours aux bêtes vivantes qu’on rêve, pas aux mortes”), de cadence infernale (“on accélère d’une seconde la vitesse du tapis pour que l’employé en fasse plus sans s’en apercevoir”), de destruction physique et psychique… Les nouveaux intérimaires sont “de la chair fraîche”, une ouvrière s’avoue “devenue indifférente aux autres” tandis qu’un ancien lâche : “Reste à arriver en bonne santé à la retraite pour profiter des 2 ans qui suivent. Et même là, c’est pas gagné.”

Ce quatrième film terrible que Manuela Fresil mit 7 ans à réaliser a été multiprimé aux festivals de Marseille (2011), Poitiers, Linz (Autriche), La Rochelle et Turin en 2012.