The Act of Killing

“C’est comme si on tuait dans l’allégresse”, confie sans état d’âme Anwar Congo, ancien petit gangster devenu chef des escadrons de la mort en 1965 après le coup d’État de Sukarno, lequel mit l’armée au pouvoir et fit massacrer 1 million de “communistes”, terme générique pour désigner les intellectuels, les Chinois, les démocrates, etc. Pour imaginer le contenu et la mise en abyme de ce documentaire insoutenable, sidérant voire surréaliste, il faut imaginer Himmler ou Hœss, Commandant d’Auschwitz, qui raconterait en toute bonne conscience les horreurs qu’ils commirent avec le souci constant d’être “crédibles” et l’espoir de finir à Hollywood. Ainsi voit-on autour d’Anwar Congo, véritable héros chez lui, gangsters et paramilitaires, toujours protégés par des politiciens corrompus, mettre en scène avec fierté leurs meurtres de masse et leurs tortures… et même tourner le tout, à la demande du réalisateur, dans un film kitchissime oscillant entre la comédie musicale et le polar US, genre qui, du reste, les inspira pour peaufiner leurs assassinats, tandis que les survivants ou leurs descendants, eux, ont toujours aussi peur de s’exprimer…

Pour ce deuxième film, Joshua Oppenheimer, qui obtint la confiance totale de ses “interlocuteurs”, a réalisé un film vertigineux sur les recoins les plus sombres de l’âme humaine et offre une réflexion éprouvante autant qu’imparable sur “l’acte de tuer”. Ce documentaire a reçu le prix du Public à Berlin (2012).