La Vida loca

San Salvador. Entre 1980 et 1992, une guerre meurtrière oppose extrême-gauche et extrême-droite. Exilés dans les ghettos de Los Angeles, réfugiés et clandestins s’organisent en clans criminels. Après le retour des immigrés au pays, la légende des « maras » s’enracine dans un terreau fertile : oubliés par l’État et par le reste de la société, des milliers de jeunes s’engagent auprès des deux grandes rivales : la Mara Salvatrucha et la Mara 18. S’introduisant dans le quotidien des membres de celle-ci, Christian Poveda nous livre le portrait sans concessions de leurs activités : liturgie criminelle, abandon étatique converti en implication communautaire, meurtres perpétrés par la Salvatrucha, mises en bière, tribunal, projet de boulangerie mené par une ONG locale, répressions abusives de la police, difficultés administratives ou médicales…

Autant de fragments qui composent la vie inutile et répétitive de ces gens qui sombrent dans un véritable non-lieu institutionnel. À l’affût des différents personnages de son long métrage, Poveda ne peut que constater les assassinats et les arrestations, les fêtes païennes et les pleurs, les délabrements sexuels et familiaux. Sans misérabilisme ni apologie, largement influencé par le « cinéma direct », le réalisateur nous livre un reportage d’une exactitude à la fois éthique et esthétique… qu’il payera au prix de sa vie. Récemment assassiné par les membres de la Mara 18, Christian Poveda nous laisse néanmoins un film brillament monté, courageusement produit et placé au cœur de la vie de ses interlocuteurs, qui lui vaudra sans doute le tout premier des hommages posthumes.