Dans un jardin je suis entré

“On a enlevé aux Palestiniens d’Israël leur terre et aux Juifs arabes le Temps” conclut la voix féminine reliant passé et présent. En effet, Avi Mograbi, réalisateur israélien, a demandé à Ali Al-Azhari, ami palestinien depuis 30 ans et son professeur d’arabe, d’être le héros de son prochain film narrant l’exil d’un cousin imaginaire de la Damas de 1920 à Israël d’aujourd’hui. Ali ayant accepté, les deux hommes, le Juif en arabe et l’Arabe en hébreu, commentent sous nos yeux photos, souvenirs et lieux nécessaires au scénario. S’ils rient beaucoup, si l’affection paraît évidente, les propos sont d’une lucidité où affleure parfois une amertume difficilement maîtrisée. Voire l’incompréhension et la peur, comme dans cette scène bouleversante où Yasmine, 9 ans, fille d’Ali, écartelée entre ses deux identités, tente de déterrer du pied un panneau interdisant aux étrangers d’entrer dans le village même où est né son père.

Ce documentaire tendre et nostalgique d’Avi Mograbi, Prix spécial du Jury (Brésil), renvoie en miroirs et au fil du dialogue les souffrances enfouies de l’un à celles de l’autre, fantasme sur des temps où le Moyen-Orient vivait sans frontières ethniques, religieuses ou politiques, éclaire à hauteur de cœur les entrelacs inextricables du problème israëlo-palestinien, amenant Ali à conclure en riant : “j’ai parlé devant l’Histoire”.