On est vivants

« Quand les grandes espérances disparaissent, les petites repoussent à ras de terre » a écrit Daniel Bensaïd, philosophe engagé, fondateur de la Ligue Communiste Révolutionnaire avec Alain Krivine et Henri Weber, mort d’un cancer en 2010. Carmen Castillo, qui l’a rencontré dans les années 70 après avoir fui le Chili sous dictature militaire, a réalisé cet hommage émouvant, sincère, intelligent et aussi soigné sur la forme que sur le fond pour comprendre pourquoi on s’engage et comment on surmonte ses désillusions, à l’instar d’un Bensaïd qui revint d’Argentine en 1973 « vacciné contre une vision abstraite et mythique de la lutte armée ».

À l’aune des textes du penseur, Carmen Castillo questionne notamment les Sans Terre du Brésil, les Zapatistes du Mexique, des militants parisiens de Droit au logement… On écoute avec intérêt et empathie Oscar Olivera qui, avec son organisation de paysans La Coordinera, empêcha le gouvernement bolivien de privatiser l’eau pour une multinationale… Fadela, Fatima et Karima luttant contre toutes les violences dans un quartier Nord de Marseille, Daouda rêvant sur un toit de la même ville de partager le bonheur ou encore Christophe, leader CGT, éclatant en larmes à la fin de la grève des raffineries Total de 2010, convaincu d’être ressorti humainement plus fort de son échec. Un film pénétrant pour montrer « que l’histoire n’est pas écrite à l’avance mais que c’est nous qui la faisons » et pour penser quelles que soient ses opinions.