[expo] Étienne Dinet : passions algériennes

Etienne Dinet (1861-1929), Sur une terrasse, un jour de fête à Bou-Saâda, 1906, Huile sur toile © Musée Fabre de Montpellier Méditerranée Métropole / Frédéric Jaulmes

Pour la première fois à Paris depuis 1930, une rétrospective est consacrée à l’œuvre d’Étienne Dinet. L’Institut du Monde Arabe offre de découvrir cette œuvre baignée par le soleil et la grâce.

Le hasard et les insectes conduisirent Étienne Dinet en Algérie. En 1884, il y suivit son ami Lucien Simon, qui partait avec son frère entomologiste à la recherche d’une espèce rare de coléoptère. Ce premier voyage fut suivi d’un autre, un an après, avec Gaston Migeon, futur conservateur au Louvre, qui contribua à détacher « l’art musulman » de ses oripeaux folkloriques. Dinet lui-même s’insurgeait contre les clichés et les poncifs d’un Orient pittoresque et lascif, cruel et torride, passif et efféminé. Son œuvre échappe à l’exotisme et à la condescendance coloniale, jusqu’à devenir l’une des identités visuelles de l’Algérie d’après l’indépendance.

L’orientalisme sans le racisme

Mario Choueiry, commissaire de l’exposition, dit de l’œuvre de Dinet qu’elle « apparaît aujourd’hui comme un trait d’union et un pont pour réconcilier les mémoires », sans doute parce qu’elle indique ce qu’aurait pu être l’Histoire si l’avidité et la volonté belliqueuse des Européens n’avaient pas ravalé l’Algérie au rang de pourvoyeur de matière première, de chair à canon ou à fantasmes. Si Dinet, découvrant l’Algérie, commence par peindre la lumière, le sable, les murs et le désert, comme dans Une rue à Laghouat, bouleversant tableautin situé au début de l’exposition, il s’intéresse rapidement aux hommes, qu’il cadre en photographe et peint avec un art de la couleur digne de Delacroix, son seul maître avec Rembrandt.

Le peuple, la lumière et le sable

Cette rétrospective, réalisée en partenariat avec l'IMA-Tourcoing, où elle a d’abord été présentée, offre de découvrir conteurs et prostituées, jeunes filles au bain et enfants bagarreurs, hommes en prière ou en extase, parades amoureuses et rondes joyeuses. Dinet peint les êtres avec un grand souci de vérité (les corps ne sont pas ceux d’odalisques imaginaires) et de respect (ainsi sa représentation de la foi). Des panneaux explicatifs particulièrement instructifs éclairent cette revue des visages d’une Algérie que la France n’a pas su regarder et qu’elle peut découvrir enfin.

Exposition Étienne Dinet, passions algériennes, à découvrir à l'IMA jusqu'au 9 juin 2024

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