Seras-tu là ?

Solal Bouloudnine interprète un spectacle drôle, touchant et remarquablement construit, composé à partir de ses souvenirs d’enfance et de son amour pour Michel Berger. Ça balance pas mal !

« Y a comme un goût amer en nous / Comme un goût de poussière dans tout » chantait France Gall. Quand un cœur s’arrête, sur un terrain de tennis ou ailleurs, les autres continuent « évidemment » de battre, mais plus lourdement, en ayant perdu l’insouciant réflexe de la vie douce, protégée de la morsure inconsolable de la mort. Alors on fait avec, ce qui veut dire qu’on fait sans. Comme a fait Michel quand Véronique est partie acheter des cigarettes, et comme a fait Solal Bouloudnine, le groupie du pianiste qui, depuis ses « six ans, onze mois et vingt jours », vit dans le paradis blanc des souvenirs.

Pour nos soupirs sur le passé

La mort a la dent dure ; Solal Bouloudnine aussi ! Il la provoque et la défie, la convoque sur scène pour mieux la railler, avec une aisance remarquablement guidée par la mise en scène millimétrée de Maxime Mikolajczak et Olivier Veillon. Le comédien passe en revue toutes les égratignures de l’enfance : humiliations de la cour de récré et du terrain de foot ; fantasques marottes d’une mère juive, qui l’envoie chez un rabbin aux paraboles farfelues pour retrouver la foi ; frasques tabagiques d’un père chirurgien viscéral, qui passe son temps à parler de caca et de pets !

À cette autobiographie déjantée, s’ajoutent des morceaux de franc délire, dont une scène impayable – entre Kafka et les Monty Python – dans le bureau d’une fonctionnaire de la mort.

On rit encore, pour des bêtises, comme des enfants

L’ensemble compose un spectacle un brin foutraque, sorte de traité de métaphysique préfacé par Patrick Bosso ou guide de développement personnel, parfumé au couscous-boulettes. Le décor réunit toutes les références d’une enfance passée à la fin des années 1980. En athlète du trash jubilatoire, Solal Bouloudnine use d’un talent sidérant pour interpréter un texte sur l’angoisse de la finitude, qui n’a rien à envier aux plus sérieux moralistes, sinon qu’on en rit à gorge déployée, ce qui est rare en philosophie et très peu fréquent en ce moment !

Catherine Robert

Solal Bouloudnine est à l'affiche de Le Rêve et la Plainte (interprétation - Théâtre de la Tempête) en 2025, Abysses (interprétation - Le Centquatre (104)) en 2024 ou encore La Fin du début (texte, interprétation - Théâtre Lepic) en 2024.
Au cinéma, Solal Bouloudnine a interprété Asher dans Le dernier des Juifs en 2024.

Olivier Veillon est à l'affiche de Plusieurs (texte, mise en scène - Le Centquatre (104)) en 2025, On ne jouait pas à la pétanque dans le ghetto de Varsovie (mise en scène - Théâtre du Petit Saint-Martin) en 2025 ou encore La Fin du début (mise en scène - Théâtre Lepic) en 2024.

Maxime Mikolajczak est à l'affiche de Plusieurs (texte, mise en scène - Le Centquatre (104)) en 2025, Projet Newman (interprétation - Théâtre 71) en 2024, La Fin du début (texte, mise en scène - Théâtre Lepic) en 2024 ou encore Les aveugles (interprétation - Les Gémeaux) en 2023.