Homme encadré sur fond blanc

À la fois mime et magicien, Pierric Tenthorey déploie une poésie absurde qui empreinte à Buster Keaton et Jacques Tati dans Homme encadré sur fond blanc, actuellement au Théâtre Tristan-Bernard.

Un chapeau tombe du ciel et un homme « sans tête » apparaît se demandant ce qu’il fait dans un espace blanc sans issue ou presque. L’homme habillé d’un complet noir sixties, c’est Pierric Tenthorey, qui mettra tout en œuvre pour s’échapper, comme une métaphore de la recherche de la liberté. Tandis que le suspense va crescendo (sortira, sortira pas ?), le comédien, metteur en scène, cinéaste de courts-métrages et auteur franco-suisse déploie une poésie absurde dans la lignée d’un Samuel Beckett.

Dans ce spectacle qu’il a créé en 2007, cet amoureux de Pierre Magritte, Jean-Eugène Robert-Houdin, Pierre Étaix, Jacques Tati et Tex Avery provoque le burlesque en jouant avec son corps élastique. Quand celui-ci ne lui obéit plus, il use d’un humour gaguesque qui parle à la fois aux parents et aux enfants.

Une boule, deux boules

Alors qu’il se bat pour gagner sa liberté, Tenthorey continue de ne piper mot dans un art consommé du mime. Une technique qui n’exclut jamais le public, avec lequel il est constamment en « conversation ». Dans ses tentatives désespérées d’évasion, il tente de maîtriser les objets qui l’entourent. Comme ce cube au centre de la scène ou ces poignées de porte qui ont tendance à le rendre fou. Des objets, parfois malveillants, donnant lieu à de bluffants tours de magie, conçus avec Gaëtan Bloom.

Pierric Tenthorey, impressionnant, n’est pas champion de magie 2015 pour rien. Rien ne lui résiste : jonglage, disparition de boules… On se frotte les yeux et on se réjouit de se faire « piéger » à notre tour.

Heaven, I’m in heaven

À ce mélange de magie burlesque et de tension dramatique s’ajoute un vrai sens du music-hall. La musique jazzy donne le tempo et on aime les références à la comédie musicale avec ce petit pas de danse sur fond de Heaven, I’m in heaven, paroles de Cheek to Cheek autrefois chanté par Fred Astaire dans Le Danseur du dessus (belle ironie quand il s’agit de s’échapper d’une prison…). Le tout donne beaucoup de classe à ce spectacle protéiforme, sérieux dans le thème mais drôle et brillamment exécuté. Les « dieux » de Tenthorey auraient apprécié.

Magali Hamard