[critique] Belles de scène : Cherchez la femme !

© Cyrille Valroff

Sur les planches des Gémeaux Parisiens, Stéphane Cottin met en scène la chute du privilège masculin, confiant la pièce de Jeffrey Hatcher à une troupe harmonieuse d’interprètes virevoltants.

Avant que la grande Sarah Bernhardt ne brille dans le rôle d’Hamlet, avouant « préférer les cerveaux d’hommes », le corps des femmes était la chasse gardée des hommes. Sous les masques antiques, des hommes ; dans le théâtre élisabéthain, des hommes ; dans la confusion amoureuse entre alouette et rossignol, encore des hommes ; et, toujours chez Shakespeare, un homme pour mourir en Desdémone sous l’oreiller d’Othello. Encore mieux que le blackface, le déguisement du mâle en femelle, seul à même de mimer vapeurs et soupirs, était de mise.

Grâces puis disgrâce

L’exclusivité dura jusqu’en 1661. Alors que rouvraient les théâtres londoniens après vingt ans de vitrification puritaine, Edward Kynaston, « la plus jolie femme de toute la maison », selon Samuel Pepys, régnait sur les scènes en donzelle, et en favori sur le cœur de George Villiers, deuxième duc de Buckingham. Jeffrey Hatcher fait commencer sa pièce au moment où Maria l’habilleuse devient Margaret la comédienne, ôtant à Kynaston l’exclusivité sexuelle de la distribution. Et puisque le roi Charles II, le « merry monarch » qui ne goûtait ni l’austérité ni les interdits, l’ordonne, les femmes sont désormais autorisées à jouer leurs rôles.

Bêtes de scène

Vincent Heden, excellent dans le rôle de Kynaston, est le pivot de cette pièce. Autour de lui, gravitent Emma Gamet (touchante Maria) et Sophie Tellier (impayable maîtresse du roi), Patrick Zard (désopilant Charles II), Stéphane Cottin (Buckingham, lâche comme tous les lubriques) et Patrick Chayriguès (Charles Sedley, amateur de théâtre et protecteur des actrices). Les comédiens, hors ces rôles principaux, multiplient les incarnations pour camper tous les personnages de cette fresque tonique et enlevée. On rit évidemment à la défaite des hommes, mais on s’émeut à la relégation de l’artiste, dont les caprices politiques précipitent la chute. Que l’homme fasse la femme ou que la femme fasse l’homme, au fond, qu’importe, si le talent, comme c’est le cas ici, règne sur scène.

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