[critique] Un tramway nommé Désir : éblouissante Cristiana Reali !

© Christophe Raynaud de Lage

Cristiana Reali, sulfureuse Blanche DuBois, et une pléiade d’excellents comédiens illuminent la scène des Bouffes Parisiens, dans un thriller haletant, remarquablement dirigé par Pauline Susini.

Le décor de James Brandily campe l’univers étriqué dans lequel vivent Stella et Stanley. Un appartement si exigu qu’il tient tout entier sur la scène, des rideaux en guise de cloisons, des meubles minables que l’on pousse pour dormir ou manger, des voisins omniprésents et des copains braillards qui viennent jouer au poker en buvant jusqu’à pas d’heure. Voilà où échoue Blanche, Southern belle qui a tout perdu, fors ses manières. Lorsqu’arrive Cristiana Reali, en lilas vaporeux, on comprend que le courant ne va pas passer entre la bourgeoise sur le retour et les prolos sans avenir, entre la folle et l’abruti !

Femmes puissantes

Les comédiens font oublier les images mythiques d’Elia Kazan ; la mise en scène de Pauline Susini renouvelle la lecture de la pièce de Tennessee Williams. Les bas-fonds de la Nouvelle-Orléans offrent un miroir à notre époque, entre violences conjugales et terreur du déclassement, rêves de midinettes mythomanes et rancœurs de démunis. Cristiana Reali est magistrale dans le rôle de Blanche. Odieuse et poignante, ridicule et touchante, grotesque et sublime : la comédienne habite ce personnage complexe avec une sensibilité déchirante. Alysson Paradis (Stella) est juste, subtile, intense, solaire. Le contraste entre la blonde raisonnable et la brune fantasque fait naître de magnifiques duos.

Hommes blessés

Le reste de la talentueuse distribution offre de très beaux portraits d’hommes. Nicolas Avinée campe un Stanley à la fois brutal et blessé, Lionel Abelanski (Mitch) est bouleversant en vers de terre amoureux d’une étoile : sa parade amoureuse de vieux garçon convaincu d’avoir trouvé la femme qui plairait à sa mère est saisissante. Marie-Pierre Nouveau, Djibril Pavadé et Simon Zampieri (en alternance avec Tanguy Malaterre) complètent, avec une impeccable rigueur, le tableau de ces petites gens tragiques et magnifiques, dont Pauline Susini orchestre les relations sans misérabilisme, avec un sens aigu de la psychologie sociale et des rapports de force. Un excellent spectacle !

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