Carmen [critique] : La danse de l'amour

Un drôle de film hybride entre art de la scène et cinéma, qui tente de nombreuses pistes, avec une proposition de cinéma qui impressionne par son audace et ses idées visuelles.
Danseur étoile, chorégraphe, directeur de l'Opéra de Paris, c'est peu dire que la carrière artistique de Benjamin Millepied est une histoire remplie de succès et de triomphes. À 45 ans il décide de devenir réalisateur, écrivant et dirigeant son premier long-métrage, très librement inspiré de l'opéra-comique de Georges Bizet. Il lui emprunte le nom de son héroïne, Carmen, mais arrange tout le reste dans une direction qui tend plus au tragique.
Road-movie parsemé de séquences dansées qui révèlent Melissa Barrera, le film est un assemblage pour le moins baroque qui désarçonne tant il tranche avec tout ce que l'on peut attendre d'une histoire de ce type. Millepied n'hésite pas à mettre son récit sur pause pour y insérer des chorégraphies qui sont autant d'illustrations sur l'histoire des personnages, et des vignettes troublantes comblant des ellipses de la narration, qui saute volontiers d'une scène à une autre, brisant de façon bienvenue la linéarité du scénario.
La fuite comme seule réponse
L'auteur fait se rencontrer deux histoires contraires, celle d'un homme brisé par la guerre, qui va rencontrer une clandestine pleine de vie qui a tout perdu et ne peut plus rentrer chez elle. Paul Mescal joue ce militaire qui n'a plus sa place dans la société, qui d'une impulsion fait infléchir son histoire vers le drame. Ces audaces sont très séduisantes, avec un équilibre parfait entre séquences musicales dansées et d'autres plus narratives qui reconstituent une histoire d'amour vouée à la tragédie, à la lisière du roman noir et du drame shakespearien à la Roméo et Juliette. Cet OVNI filmique pour le moins surprenant et inattendu a le grand mérite de livrer une proposition de cinéma intrigante et un spectacle de qualité.
Carmen, sortie le 14 juin 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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