[critique] The Chronology of Water : Les débuts prometteurs de Kristen Stewart réalisatrice

Huit ans après son court métrage remarqué, Come Swim, Kristen Stewart adapte sur grand écran les mémoires de l'écrivaine américaine Lidia Yuknavitch. Et signe une œuvre aussi ambitieuse qu'éprouvante. Le verdict est sans appel : une cinéaste est née.
Lidia (Imogen Poots) est une femme écorchée. Enfant, elle endure les abus (physiques et incestueux) d'un père tyrannique, la fuite de sa grande sœur et le silence d'une mère alcoolique. En devenant une jeune femme, elle découvre les excès, sombre dans les addictions et se raccroche à des relations oiseuses et toxiques. Seule et incomprise, elle trouve alors refuge dans la pratique de la natation et dans l'écriture...
Librement adapté de l'ouvrage autobiographique et éponyme de Lidia Yuknavitch, The Chronology of Water se révèle être une entreprise aussi audacieuse et périlleuse. En effet, comment traduire le style si particulier de l'écrivaine américaine, entre autres caractérisé par le courant de conscience, et le transposer à l'écran ? Le premier long-métrage de l'actrice Kristen Stewart opte pour la littéralité : elle compose ainsi un récit fragmenté et sensoriel. La mise en scène se veut discordante : régulièrement, les scènes sont parasitées par des visions allégoriques ou métonymiques. Grâce à ce dispositif, la réalisatrice traite la violence sans la rendre explicite ni l'inscrire dans le champ. Il en est ainsi du traitement sonore : l'espace diégétique du film se double d'une narration autodiégétique (la voix-off de Lidia), puis de perturbations extradiégétiques (la voix du père qui surgit de nulle part).
L'écriture comme exutoire et guérison
Durant les deux premiers tiers, Kristen Stewart veille à maintenir cette dissymétrie formelle. Radical et expérimental, l'ensemble tend parfois à déborder : l'expérience est tour à tour bouleversante, éprouvante et inconfortable. Mais elle se veut aussi tout à fait cohérente : The Chronology of Water n'est autre que le récit d'une longue et difficile guérison. Guérison au cours de laquelle l'héroïne s'égare avant de se relever, et ce, grâce à la littérature. En écrivant, Lidia va exorciser ses démons, désarmer son bourreau et reprendre le contrôle de sa vie, de son corps et de son esprit. Ce n'est que dans sa dernière partie que le film profite (enfin) d'une relative accalmie. La conclusion, douce-amère, confirme alors les premières impressions : tant dans ses forces que dans ses imperfections, ce premier film révèle un indiscutable désir de cinéma.
The Chronology of Water, sortie dans les salles le 15 octobre 2025 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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