[critique] Eleanor the Great : Vivre sans elle
Seize ans après These Vagabond Shoes, son unique court-métrage, la comédienne Scarlett Johansson présente Eleanor The Great, son premier long-métrage.
Eleanor doit déménager de sa retraite paisible en Floride pour retourner vivre à New-York chez sa fille, Lisa. Sa meilleure amie depuis plus de 60 ans, Bessie, vient de décéder dans l'appartement qu'elles partageaient depuis la mort de leurs maris respectifs. C'est au deuil de cette vieille dame de 93 ans que s'intéresse Scarlett Johansson pour son premier film en tant que réalisatrice, après une carrière d'actrice aussi prestigieuse que fournie, tant dans le cinéma indépendant que dans des films grand public.
Si Eleanor revient chez elle, c'est la première fois de sa vie qu'elle va habiter sur l'île de Manhattan, après des décennies passées dans le quartier populaire du Bronx. Le film nous montre une vieille dame perdue loin de ses habitudes, plongée dans une situation où elle n'a aucun contrôle. Sa fille la pousse à se rendre au centre communautaire juif de son quartier, et c'est là que commence le mensonge.
Eleanor emprunte le récit de vie de son amie Bessie, rescapée d'Auschwitz et immigrée aux États-Unis pour y trouver un nouveau départ. Cet emprunt est de prime abord difficile à comprendre, la cinéaste nous ayant présenté le personnage comme une femme forte, volontiers moqueuse et gouailleuse (contre sa propre fille notamment). Le subterfuge, intimement lié la construction narrative du film, contient tout le sel du propos : Eleanor est en deuil, presque de façon inconsciente, et cette douleur s'exprime par la volonté de raconter l'histoire de celle qui ne peut plus le faire.
Un premier film sensible et subtil
Il est à noter que Scarlett Johansson a tenu à ne pas jouer dans le film, préférant se dévouer toute entière à la mise en scène. Si celle-ci est plutôt classique, du voyage d'Eleanor de la Floride à New-York, où elle rencontre la jeune Nina, elle n'en est pas moins efficace et surtout extrêmement touchante. C'est la grande réussite de la réalisatrice : parvenir à émouvoir le spectateur au-delà d'un mensonge si énorme, si grave. Car ce mensonge est avant tout l’expression d’un besoin de partage, d’une nécessité de faire vivre l'être aimé, par le seul moyen à disposition. C'est ainsi que le propos de ce beau film prend toute son ampleur, révélant les trésors de sensibilité de ses interprètes comme de son autrice.
Eleanor the Great, sortie dans les salles le 19 novembre 2025 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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