[critique] When the Light Breaks : Un deuil lumineux

En misant sur la subtilité, Rúnar Rúnarsson a su empreindre de tendresse ce récit initiatique aux accents déchirants, lui insuffler une énergie porteuse d’espoir et rendre son film lumineux malgré la tragédie qu’il relate.
Une jeune femme voit son existence bouleversée par la perte brutale de celui qu’elle aime, mais ne peut se confier à personne car leur relation était secrète. Présenté en ouverture de la sélection Un Certain Regard en 2024, le quatrième long-métrage de Rúnar Rúnarsson révèle une éblouissante jeune actrice : la performance poignante d’Elín Hall traduit avec autant de finesse que de puissance le tumulte d’émotions contradictoires qui anime la protagoniste.
Tous deux étudiants en art à l’université de Reykjavík et membres d’un même groupe de musique, Una et Diddi s’aiment, mais se voient en cachette, car il est en couple avec une autre. Diddi compte cependant mettre un terme à cette inconfortable clandestinité : il a décidé de prendre l’avion le lendemain pour rompre avec Klara, sa copine officielle, avec qui il entretient une relation à distance. Mais cette journée déterminante s’ouvre sur un événement catastrophique. Una se retrouve alors seule avec son secret face aux amis d’enfance de Diddi, qu’elle connaît peu, à l’exception de son coloc Gunni. Le film s’inscrit dans une temporalité resserrée, entre deux couchers de soleil. En se concentrant sur cette brève période, il rend sensible le passage du temps, avec ses variations de rythme et d’intensité, les phases de stupeur, de vertige et de douleur aiguë que traversent ces jeunes gens en deuil.
Entre solitude et solidarité, rivalité et compassion
Le cinéaste se focalise sur le malaise d’Una, contrainte de taire son chagrin et de consoler les autres – notamment Klara, sa rivale. Constamment présente à l’écran, Elín Hall porte le film avec grâce, son visage reflétant magnifiquement le bouillonnement d’émotions qu’elle peine à contenir. Si la mise en scène accentue la solitude oppressante de la protagoniste, reléguant souvent les autres personnages à l’arrière-plan, elle montre aussi le réconfort et la chaleur que se prodiguent ces jeunes gens meurtris.
When the Light Breaks repose sur un ensemble de dichotomies : le drame intime qui se joue au cœur du drame collectif, l’isolement de la protagoniste au sein du groupe d’amis, et l’antagonisme des deux femmes, qui n’empêche pas la complicité et l’empathie. Ce faisant, il donne toute leur place à l’ambivalence et à la complexité des sentiments. En misant sur la subtilité, Rúnar Rúnarsson a su empreindre de tendresse ce récit initiatique aux accents déchirants, lui insuffler une énergie porteuse d’espoir et rendre son film lumineux malgré la tragédie qu’il relate.
When the Light Breaks, sortie dans les salles le 19 février 2025 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Vingt-deux ans après le premier volet, Danny Boyle et son co-scénariste Alex Garland refont équipe pour ce qui s'annonce comme une mise à jour, formelle et thématique, d'un jalon du film de zombies.
Chaque été dans la capitale, le cinéma sort de ses salles traditionnelles pour aller à la rencontre du public en extérieur. 2025 ne fait pas exception avec le retour d'événements au Louvre, à la Villette ou encore à la Monnaie de Paris.
Révélé comme humoriste sur les planches du Jamel Comedy Club, Thomas Ngijol était déjà passé derrière la caméra pour trois comédies populaires : Case départ (2011), Fastlife (2014) et Black Snake (2018). Avec Indomptables, sa nouvelle réalisation, il opère un changement de registre radical et signe un polar haletant.
Retour aux sources pour Kiyoshi Kurosawa : avec Cloud, le réalisateur japonais réinvestit les champs de l'angoisse, sur fond de commerce en ligne et de société hyper-connectée. Il signe un film d'une maîtrise exemplaire.