Le Serment de Pamfir [critique] : Tendresse, bestialité et carnaval

© Condor Films

Après une absence de plusieurs mois, Pamfir retrouve sa famille. Mais la paix n'est que de courte durée lorsque son passé trouble ressurgit. Premier long-métrage de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk, Le Serment de Pamfir séduit autant par ses imperfections que par sa force visuelle.

Comment préserver son monde idéal lorsque tout nous pousse au désespoir et à la transgression morale ? Comment devenir un homme meilleur quand le quotidien n'est que cruauté et bestialité ? Faut-il tuer l'ancien soi pour mieux renaître ? Telles sont les questions posées par le premier long-métrage de l'ukrainien Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk.

L'excellent Oleksandr Yatsentyuk incarne ici l'imposant Pamfir. Après une longue absence dans son village rural, cet ancien trafiquant retrouve femme et enfant, la veille du carnaval de Malanka. Entre tendresse et amour, ces retrouvailles ne seront malheureusement que de courte durée : lorsque son fils Nazar se trouve mêlé à un incendie criminel ravageant l'église locale, l'homme se voit contraint de renouer avec ses vieux démons.

Sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs, Le Serment de Pamfir est un premier essai prometteur. À la croisée de plusieurs genres (western, film noir, tragédie antique, comédie de mœurs), le long-métrage est porté par une énergie et un souffle enivrants. Une caméra mobile en permanence, des plans-séquences maîtrisés, une photographie léchée : la mise en scène se montre particulièrement démonstrative et dense, au risque, peut-être, de manquer parfois de respiration.

Questionner l'identité

Si son mouvement permanent peut dérouter sur la durée, Le Serment de Pamfir n'en demeure pas moins passionnant dans les thématiques qu'il aborde. À la quête existentielle de son héros, le réalisateur appose une réflexion sur l'émigration ukrainienne, mais aussi sur le fossé politique qui sépare son pays de l'Union Européenne. Le choix d'articuler son récit autour de la fête païenne de Malanka, symbole de syncrétisme religieux et culturel, n'est en rien un hasard.

À cet égard, le film de Sukholytkyy-Sobchuk gagne en pertinence, car il évoque le tout récent – et non moins frappant – R.M.N. de Cristian Mungiu, dont le carnaval traditionnel sert également de toile de fond. Dans un tout autre registre, le cinéaste roumain questionnait les fractures sociales, le passé traumatique, la sécurité illusoire, ou encore, la xénophobie grandissante de son propre pays. Le dialogue qu'établissent ces deux œuvres miroirs en devient alors fascinant.

Le Serment de Pamfir, en salles le 2 novembre 2022 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

Partager cet article sur :

Nos derniers articles

Première affaire s’attaque à la question passionnante des considérations morales qui animent une avocate débutante, et de la candeur dont elle doit nécessairement se défaire pour se tailler une place dans ce monde brutal.

Corse, 2017 : une surveillante pénitentiaire se retrouve mêlée à un double assassinat. Inspiré d'un fait divers, le nouveau film de Stéphane Demoustier joue la carte de l'austérité et de la sobriété. Le résultat ? Un drame soigné et ambigu, remarquablement interprété par Hafsia Herzi.

Premier film en tant que réalisateur de Florent Bernard, transfuge du studio Golden Moustache, Nous, les Leroy est un road trip familial avec José Garcia et Charlotte Gainsbourg. Cette comédie originale, récompensée du Grand prix au Festival de l’Alpe d’Huez, réussit le fin dosage entre humour et mélancolie.

Pour leur premier long métrage réalisé ensemble, Ethan Coen et sa co-scénariste Tricia Cooke se (et nous) défoulent avec ce road-movie féministe et décapant qui, parodiant la série B, use de ses outrances pour tirer à boulet rouge sur nos tabous. Irrésistible… Et parfois leste !

Newsletter

Chaque mercredi, le meilleur des sorties culturelles à Paris.