[expo] Marie-Laure de Decker : L'humanité en ligne de mire

Marie-Laure de Decker, Autoportrait, Vietnam, 1971 © Marie-Laure de Decker

À la Maison européenne de la photographie, une grande rétrospective sort de l’ombre une pionnière du photojournalisme, qui préférait la dignité aux images choc.

Disparue en 2023, à l’âge de 75 ans, cette photoreporter, ancienne mannequin aux allures de Jean Seberg, est mise à l’honneur à travers près de 300 clichés tirés de ses archives personnelles. Cet accrochage, rendu possible grâce au travail d’archivage mené depuis cinq ans par son fils Pablo Saavedra de Decker, s’articule autour de trois volets : les reportages de guerre, les luttes émancipatrices et son travail autour du portrait.

Une photographe libre

Elle refusait l’étiquette de photographe de guerre, mais fut pourtant l’une des rares femmes à couvrir les grands conflits du XXe siècle, sans jamais montrer l’horreur. Partie seule au Vietnam à 23 ans, elle collabore avec Newsweek, puis intègre l’agence Gamma aux côtés de Gilles Caron et Raymond Depardon, avec qui elle réalise plusieurs reportages, notamment au Yémen et au Tchad, un pays dont elle tombera amoureuse. C’est là, au cœur du massif du Tibesti, qu’elle réalise, sans doute, ses clichés les plus connus. Fascinée par les rebelles Toubous, elle installe un studio de fortune pour immortaliser les combattants et leurs familles. Loin de toute neutralité, ses images portent un engagement total, presque affectif.

L’engagement comme fil rouge

Femme de convictions, elle documente sans relâche, et toujours avec empathie et douceur les grandes luttes qui ont jalonné le siècle, que ce soit les soulèvements étudiants et ouvrier de 1968, les cortèges féministes du MLF, les manifestations anticoloniales, contre la peine de mort en Irlande, les réfugiés palestiniens en Jordanie, la résistance clandestine à la dictature de Pinochet au Chili ou encore l’Afrique du Sud durant l’apartheid (avec entre autre sa série sur des nounous noires portant des enfants blancs).

Le monde du travail l’intéresse tout autant : ouvriers à la chaîne, paysans à l’ouvrage, couturières concentrées. Des scènes souvent marginales dans l’histoire de la photographie, mais qu’elle traite avec la même intensité que ses reportages en zone de conflit.

La dernière section met en avant son talent pour le portrait, d’anonymes comme de célébrités. On y croise ainsi Marcel Duchamp, Charlotte Rampling, Catherine Deneuve, Coluche, Man Ray ou encore Nelson Mandela. Comme ses reportages, ses portraits échappent au spectaculaire : ils captent une présence et rappellent que pour elle, photographier, c’était toujours prendre parti.

Exposition Marie-Laure de Decker, L'image comme engagement à la MeP (4e)

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