[critique] Château en Suède : Névrose, psychose et perversion
La compagnie du Colimaçon investit la bonbonnière du Théâtre de Poche-Montparnasse pour un huis clos enneigé et piquant, où des bourgeois désœuvrés explorent la carte du Tendre avec un cynisme désabusé.
Créée en 1960 par André Barsacq au Théâtre de l’Atelier, la première pièce de Françoise Sagan a la désuétude des œuvres de cette époque glorieuse, où l’on roulait vite, fumait beaucoup et aimait librement, quand on était jeune, beau et riche. Curieuse pépite dans le noir torrent du théâtre contemporain, insolente en son écriture et quasi incongrue dans notre époque où les atermoiements amoureux et existentiels des nantis peinent à passer la rampe ! Emmanuel Gaury et Véronique Viel parviennent pourtant à redonner jeunesse et lustre à cette souricière nordique.
Classique revivifié
Claude Rich, Philippe Noiret, Jean-Roger Caussimon, Francine Bergé, Agnès Soral, Jean-François Guilliet, Claude Fraize, entre autres : nombreux furent les comédiens qui, depuis sa création, ont enfilé les costumes de ces décadents blasés. Odile Blanchet, Bérénice Boccara, Gaspard Cuillé, Emmanuel Gaury, Sana Puis et Benjamin Romieux prennent la relève avec un bel enthousiasme, un solide abattage et un indéniable brio. Dans la salle des gardes du château suédois, à laquelle l’astucieuse scénographie de Bastien Forestier offre profondeur et mystère, ils campent les aventures de Frédéric chez ses cousins Falsen, qui vivent au temps des Lumières, descendant du tracteur pour porter culottes, dentelles et rubans.
Chatterie acidulée
Les costumes de Guenièvre Lafarge, les lumières de Jean-Pascal Pracht et la musique de Mathieu Rannou offrent un cadre charmant aux relations complexes entre ces personnages qui se jouent les uns des autres avec autant d’esprit que de cruauté, attestant du polymorphisme de la perversion. On a l’impression d’être chez Laclos et on se retrouve chez Agatha Christie, le babil de la bourgeoisie déliquescente construisant des pièges qu’innocents et vicieux affrontent avec une grâce légère. Les comédiens sont déliés et spirituels ; la mise en scène est fluide et haletante. Comme une friandise pétillante, ce spectacle offre un joli rayon de soleil au cœur de l’hiver.
Château en Suède au Théâtre de Poche-Montparnasse : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles
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