[critique] La Folle journée ou Le Mariage de Figaro : Conjuration des égaux

© Ambre Reynaud

La Scala accueille Le Mariage de Figaro, créé cet été dans son fief avignonnais : lecture limpide de Beaumarchais, acteurs confondants d’évidence et très belle illustration et défense de l’égalité.

Chérubin se sent un cœur à aimer toute la terre, Almaviva gère ses attachements en bourdon butinant, Bartholo rechigne à reconnaître son fils, Antonio surveille sa fille : vouloir jouir des femmes et n’en respecter aucune, tels sont les hommes lorsqu’ils s’en croient propriétaires. Figaro, qui se veut libre mais ne s’appartient plus quand les femmes se mêlent aux intrigues, est le seul qui espère être le mari de sa maîtresse et l’amant de sa femme. Philippe Torreton l’incarne avec finesse, mâtinant d’humour, d’émotion et de tendresse la faconde de son personnage, comme si ce Figaro-là était heureux d’avoir trouvé des alliées chez les femmes.

Fresque féministe

La mise en scène de Léna Bréban fait la part belle à ce sexe « ardent mais timide », dont Marceline (excellente Annie Mercier) dit la difficulté à être sujet plutôt qu’objet. Suzanne (magnétique Marie Vialle) et la Comtesse (subtile Grétel Delattre) traversent la pièce avec le même souci : être maîtresse de soi suppose de choisir à qui on se donne. Ma vie est mon œuvre, dit Figaro ; mon corps est mon choix, ajoute Suzanne. La grande subtilité du Figaro de Philippe Torreton et de l’Almaviva de Grégoire Oestermann, dont la contrition finale est un touchant abandon, est de ne pas forcer le cabotinage ou la perversion : ces deux mâles dominants paraissent soulagés d’être déconstruits !

Société en travaux

La déconstruction est également à l’œuvre dans le décor d’Emmanuelle Roy, qui sert astucieusement ce réaménagement des pouvoirs : le château d’Aguas-Frescas semble en travaux, comme la société dont Beaumarchais raille le vermoulu, comme la nôtre qui n’a pas encore complètement admis la supériorité de la valeur sur la naissance, dont Figaro est le chantre, et l’autorisation faite aux femmes de dire non, dont Suzanne est le symbole. Le texte de Beaumarchais, qui sonne haut et clair grâce à ses impeccables interprètes, y trouve une nouvelle jeunesse. Son génie durera autant que continuera la domination.

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