[critique] L’Education sentimentale : Vingt sur vingt !

© Pascal Gély

Extraordinaire performance dans l’écrin du Théâtre de Poche-Montparnasse où Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps façonnent un bijou ! Un spectacle virtuose, intelligent et drôle, à ne pas rater !

Pour transcrire sur scène cette fresque fascinante qu’est L'Éducation sentimentale, on pourrait rêver d’une scène longue comme le pont de la Ville-de-Montereau, agitée comme les journées sanglantes de juin 1848, ou peuplée comme le bal costumé chez Rosanette ! Foin des afféteries, des postiches et des prothèses quand on a le talent ! « Dans la précision des assemblages, la rareté des éléments, l’harmonie de l’ensemble, n’y a-t-il pas une vertu intrinsèque ? » écrivait Flaubert à George Sand en avril 1876. Paul Emond (à l’adaptation), Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps (à la mise en scène et à l’interprétation) font aussi bien que le « vieux troubadour » !

Le plaisir du texte

Le trio signe une version rock des déboires de Frédéric Moreau, qui traverse son siècle en perdant ses illusions, court en vain après l’amour, et s’accroche aux rubans roses du chapeau de Madame Arnoux, pour n’y gagner à la fin qu’une longue mèche de cheveux blancs. Évidemment que l’on déteste Frédéric Moreau, sa lâcheté, sa veulerie, son inaptitude à la fièvre galante et à la fureur politique, ses rendez-vous manqués avec l’Histoire et la passion ! Mais on adore le portrait qu’en font Sandrine Molaro et Gilles-Vincent Kapps, dont le jeu est aussi jouissif que l’écriture peaufinée dans le gueuloir de Croisset.

Concentré de talent !

La scénographie minimaliste d’Esther Granetier, les lumières de François Thouret, la musique originale composée et interprétée par Gilles-Vincent Kapps, les costumes de Sabine Schlemmer et Julia Brochier : tout sert admirablement cette délicieuse miniature, dans laquelle ses auteurs, comme les géniaux Flamands, font tenir le foisonnement du roman et de ses personnages ! Évoquant les lorettes et les banquiers, les arrivistes et les ratés, Dussardier et Sénécal, Louise et Deslauriers, la langueur de Fontainebleau et la frénésie républicaine, les deux comédiens virevoltent de rôle en rôle avec un abattage éblouissant. Du grand théâtre, de celui où le cœur se dilate !

L'Éducation sentimentale au Théâtre de Poche-Montparnasse : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles

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