[critique] Si tu t’en vas : L’école est finie !

© Victor Tonelli

Kelly Rivière a écrit un texte d’une rare intelligence sur les relations qu’élèves et enseignants entretiennent avec l’école, le travail et la réussite. Une vraie pépite à ne pas rater !

Peut-être choisit-on de devenir professeur, ou de le rester, pour permettre aux élèves d’éviter les erreurs que l’on a soi-même commises… Loin des poncifs menteurs sur la noblesse de la vocation, loin des caricatures grotesques qui transforment ce métier en sacerdoce après l’avoir présenté si longtemps comme une sinécure, Kelly Rivière a écrit un texte d’une acuité anthropologique et d’une intelligence psychologique rares. Il met en présence Nathan et Madame Ogier. Le premier a décidé de quitter le lycée pour aller faire fortune à Dubaï ; la seconde essaie de le convaincre de ne pas partir.

Entre chien et loup

Nathan est fils de paysan. Il a vu son père trimer à la ferme, s’épuiser au cul des vaches et s’effondrer dans la boue. Il a vu sa mère fuir cet univers d’ingrat labeur. Il a découvert que l’on pouvait faire fortune en revendant des sneakers sur Internet : activité lucrative, propre, benoîte. Le rêve émirati a remplacé le rêve américain : on fantasme aujourd’hui sur le Burj Khalifa comme on rêvait autrefois de la statue de la Liberté. Face à Nathan, se tient Madame Ogier, occupée à corriger des copies dans une salle de classe déserte. On est entre chien et loup, précise Kelly Rivière : tel est le carrefour où se trouve Nathan, qui peut choisir de demeurer à la niche ou de partir rejoindre la meute des self-made-men guidée par Elon Musk, son héros.

Entre réussite et accomplissement

Philippe Baronnet met en scène la rencontre entre Nathan (Pierre Bidard) et Madame Ogier (Kelly Rivière) avec élégance et précision, sans sombrer dans le pathos ou les effets inutiles. Le dialogue est à huis clos : la seule force du texte fait apparaître l’affrontement des représentations. Certes, incompréhension il y a ; certes, les points de vue divergent. Mais la maïeutique de la scène fait merveille en révélant les enjeux sociétaux et moraux de ce dialogue. L’engagement dans le jeu et la vérité fulgurante de l’analyse sont éblouissants. Ils offrent un portrait de notre école et de notre société d’une sensationnelle vérité.

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