Journée de noces chez les Cromagnons : Quelle connerie, la guerre…

© Simon Gosselin

À La Colline, Wajdi Mouawad reprend une pièce de jeunesse écrite en 1991. Un retour aux sources qui offre à une troupe solide de comédiens exaltés et survoltés de dire les horreurs de la guerre.

Le Liban, la guerre, les cris, le bruit des bombardements incessants sont au premier plan. En fond de scène, apparaît bientôt le dramaturge débutant, dans le silence ouaté par la neige de l’exil canadien. Le théâtre est dans le théâtre, l’auteur s’y met en scène. En racontant les préparatifs de la noce chez les Cromagnons, il remonte le cours de son inspiration et de sa vie ; plusieurs clins d’œil narratifs suggèrent que la pièce qui se donne à voir est celle qu’il est en train d’écrire. Wajdi Mouawad choisit de représenter le texte « dans son essence, dans son rythme originel d’écriture » et dans sa langue maternelle.

De bruit et de fureur

La pièce, traduite en libanais par Odette Makhlouf, est interprétée par Fadi Abi Samra, Jean Destrem, Layal Ghossain, Aly Harkous, Bernadette Houdeib et Aïda Sabra, qui plongent énergiquement dans ce torrent émotionnel. Tous les Cromagnons hurlent, s’invectivent, s’insultent, comme s’il fallait, même s’il est vain d’espérer s’entendre, couvrir le bruit incessant des armes (belle composition sonore d’Annabelle Maillard). Pendant que tombent les obus, la mère et la voisine épluchent les légumes, le père dépèce un mouton, le fils devient fou comme tous les autres le sont déjà.

Théâtre à fragmentation

Aucune pause dans l’hystérie collective qui se déploie sur scène, hormis les envolées poétiques de la fiancée narcoleptique. L’alliance des cris, des empoignades et des insultes est brutale, émétique à force de réitération, atterrante comme l’est la guerre, insupportable comme l’est la véhémence qui salit jusqu’au langage. Les ethnologues révèlent aujourd’hui que la violence préhistorique est une invention rétrospective. La guerre que continuent de mener nos contemporains, au Liban comme ailleurs, est, en revanche, épouvantable et atroce. Rien n’y résiste, pas plus les murs que l’amour, pas plus les individus que les familles. Elle est insensée et terrible : la pièce de Wajdi Mouawad en atteste.

Journée de noces chez les Cromagnons au Théâtre national de La Colline : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles

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