​​​​​​​Laurent Viel, L'Homme Femme [critique] : L'impair, plus fort que la parité

© Franck Boucourt

Laurent Viel revient sur scène en compagnie de Proust, Sylvie Vartan et Barbara, comme on revient à soi entre nostalgie amusée et ironie sagace, séduction mordante et lucidité caressante.

Le temps passe ; il égratigne les dames et n’épargne pas les messieurs. Il modifie aussi les combats, adoucissant revendications et provocations. On peut désormais sortir du placard et mourir main dans la main, même si certains s’offusquent encore que des garçons qui s’aiment veuillent des enfants et que les filles n’en aient pas envie. Voilà ceux que chante Laurent Viel dans ce nouveau spectacle, mêlant titres anciens et nouvelles compositions, du Ventre Z, prêt à porter ce que l’amour anonyme y dépose, jusqu’au Temps qui nous reste, où les ex fans des sixties se retrouveront, scrutant l’orangé du crépuscule.

La blonde et la brune

Reste quand même le goût des chansons et des amours de jeunesse, incarnées dans le panthéon de Laurent Viel par Sylvie Vartan et Barbara. L’interprète suit leurs chemins d’enfance, que balise l’innocence volée par le père ou gâchée par l’exil. Proust accompagne ce retour nostalgique. Mais peut-on trouver « dans les voies du passé qui nous hante » les raisons de n’avoir jamais pris racine nulle part, et encore moins dans un corps assigné par le genre ? Laurent Viel questionne la douleur en dialoguant avec ses écorchés favoris.

Constellation de talents

Laurent Viel écrit paroles et musiques avec d’anciens et de nouveaux compagnons : Alain Nitchaeff, Pascal Mathieu, Xavier Lacouture, Baltazar, Bertrand Soulier et Philippe Besson pour les mots ; Romain Didier, Roland Romanelli, Thierry Garcia et Yann Cortella pour les mélodies. Antoine Le Gallo a imaginé de belles vidéos qui animent le mur de fond de scène, pour une touchante prestation, conçue avec Isabelle Aichhorn et chorégraphiée par Raphaël Kaney Duverger. La voix est juste, le geste est souple, l’émotion est palpable : Laurent Viel a gagné en gravité sans se résoudre à la sentence, puisque la liberté continue d’être son guide. La nostalgie, envahissante et douce, scelle la présence de l’autre en soi : homme ou femme, qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.

Laurent Viel, L'Homme Femme au Théâtre L'Essaïon : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles

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