[critique] Pauline & Carton : Murillo cartonne !

© Thomas O'Brien

Charles Tordjman met en scène Christine Murillo dans un délicieux hommage à Pauline Carton. Une causerie fantaisiste émaillée de bons mots et servie par une comédienne épatante d’humanité.

Qui se souvient encore de Pauline Carton, de sa gouaille, de son abattage et de l’époque où le parigot trouvait ses meilleurs becs chez les bignoles, les marlous, les mères abbesses et les ambulantes ? Christine Murillo dit, lit et chante les textes de la reine des seconds rôles. Elle a adapté ses écrits avec Virginie Berling et Charles Tordjman, qui la met brillamment en scène. Une volcanique au service d’une sulfureuse, ou vice-versa ! Les souvenirs de Pauline Carton regorgent de traits d’esprit et fourmillent d’anecdotes : Christine Murillo y plonge avec une gourmandise contagieuse.

Femme de paradoxes

Fille de bourgeois, née en 1884, à une époque où sa classe la destinait à ne pas en sortir, Pauline Carton n’a jamais rien fait comme les autres. Elle adorait jouer les bonnes, mais détestait faire le ménage ; elle excellait dans les rôles de mégères, mais ne se laissa jamais apprivoiser par le mariage ; elle interprétait les concierges à la perfection, mais préférait fréquenter la Bibliothèque nationale, où elle faisait des recherches pour son ami Sacha Guitry. Une voix de canard, un popotin de rombière, mais un amant poète et suisse, avec lequel elle fila le parfait amour pendant cinquante ans en lui réservant ses étés : « au mois d’août, je fais l’amour », disait-elle pour justifier ses congés genevois !

Actrices de génie

Entre humour et gravité, légèreté et profondeur, Christine Murillo s’empare de cette figure attachante et anticonformiste pour raconter une petite histoire de la création française, narrée depuis la loge de sa meilleure pipelette. Théâtre, music-hall, cinéma, télévision, radio : Pauline Carton est passée partout, y compris sous les palétuviers. Si Murillo excelle en Carton, elle est bouleversante en Pauline, féministe sous le masque de la virago, sensuelle sous des oripeaux qui n’étaient qu’une peau d’âne. « Je ne sais pas si ce que j’admire le plus en vous c’est votre intelligence ou votre talent ! » disait Guitry à Carton. En voyant Christine Murillo, on se pose la même question.

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