Britannicus

Dans cette version rare de Britannicus jouée à deux pas de la Place Léon Blum et du Boulevard Voltaire à l’Artistic Théâtre, Philippe Lebas incarne tous les personnages de la tragédie. Christine Joly intervient en Agrippine forte et triste et conçoit une mise en scène qui fait bien entendre le chaos.

Sous l’œil de l’empereur romain Néron

Deux ans après Andromaque, Jean Racine présente Britannicus le 13 décembre 1669 à Paris. Cette pièce en cinq actes est la deuxième tragédie du dramaturge et poète qui a situé son action dans l’histoire romaine. Britannicus est le fils de Messaline et de l’empereur Claudius (Claude). Ce dernier épouse en secondes noces Agrippine et adopte son fils, Néron, qu’elle a eu avec Domitius Enobarbus. À la mort de Claudius, Néron lui succède et règne avec justice, les premières années.

Jean Racine commence sa tragédie au moment où tout bascule, quand Néron enlève Junie, l’amante de Britannicus. Ce dernier, descendant légitime du pouvoir, avait été écarté par Agrippine pour y placer Néron. Malgré toute la destinée qu’Agrippine avait pu échafauder pour son fils et le rôle dont elle se paraît, elle perd le « contrôle » de Néron qui, par ses actes, va peu à peu révéler sa haine.

Un comédien sous tension

Philippe Lebas campe intensément tous les personnages : Agrippine, Junie, Britannicus, Néron, Burrhus (gouverneur de Néron), Narcisse (gouverneur de Britannicus) et Albine (confidente d’Agrippine). Avec peu d’accessoires - là une étoffe rouge, ici un divan -, l’artiste donne toute l’ampleur et la douleur de cette tragédie qui se déroule sous nos yeux. Il nous entraîne dans le rythme de cette épopée qui ne peut se terminer que dans le sang. Loin d’en faire trop, il permet de bien entendre tout autant la tension provoquée par Néron que le doute de Britannicus ou la tristesse de Junie, renonçant fatalement à son amour.

Entourant les personnages, Christine Joly se déplace à chaque acte comme l’horloge de la tragédie à venir. Elle lance quelquefois le nom de certains personnages comme autant de ponctuations que Philippe Lebas attrape pour poursuivre le récit. Se glissant dans la peau d’Agrippine à l’acte IV, elle confère à cette mère possessive et trahie par Néron, son fils préféré, toute la douleur et la force ultime de celle qui sait qu’elle va tout perdre… au moment où elle avait pourtant atteint son but. Ce spectacle donne ainsi, par le jeu de Philippe Lebas et de Christine Joly, un nouvel éclat à cette tragédie et à cette langue si belle de Racine.

Michel Maurel

Philippe Lebas : au théâtre, Philippe Lebas est à l'affiche de Ivanov (Athénée Théâtre Louis-Jouvet) en 2020, Les Rivaux (Artistic Théâtre) en 2019 ou encore La Cerisaie (Théâtre du Soleil) en 2016.