[cinéma] Emmanuelle : La nécessaire mise à jour d'un « mythe »

© 2024 Chantelouve – Rectangle Productions – Goodfellas – Pathé Films ® & Emmanuelle Estate Inc. – Manuel Moutier

En se livrant à une nouvelle adaptation du roman d'Emmanuelle Arsan, l'autrice de L'Événement promet de contemporanéiser les représentations du film de 1974, en premier lieu celles du plaisir et du consentement féminins

Adapté d'un roman de Marayat Bibidh, dite Emmanuelle Arsan, le film de Just Jaeckin avait été, en 1974, un phénomène de société, rassemblant en France près de neuf millions de spectateurs. Le succès de cette première mouture cinématographique disait évidemment quelque chose du rapport au sexe de la société française des années 1970, et de la libéralisation des mœurs et des écrans, sur lesquels, depuis peu, quantité de productions érotiques ou pornographiques étaient autorisées à sortir.

Mais on l'aura peut-être oublié : au-delà du vent de fraîcheur que, sous certains aspects, il faisait souffler, et de la trace laissée dans la culture populaire (le thème musical de Pierre Bachelet, le fauteuil en rotin immortalisé par l'affiche...), le film était, à plus d'un égard, pour le moins problématique. Notamment dans le décorum exotique, flirtant avec l'imaginaire colonial, qui présidait au tableau qui était fait de la Thaïlande. Mais plus encore dans le traitement d'une scène de viol qui, aujourd'hui, donnerait plus que matière à discussion.

Autres temps, autres mœurs

On se doute qu'Audrey Diwan, autrice de L'Événement, adapté du roman d'Annie Ernaux et Lion d'or à Venise en 2021, optera pour une approche radicalement différente. Que, tout en se livrant, comme elle a pu d'ores et déjà l'annoncer en entretien, à une libre exploration du plaisir et du lâcher-prise de son héroïne, elle aura à cœur de mettre à jour, entre autres, la représentation du consentement féminin. D'autant plus qu'elle s'est adjoint les services, au scénario, de Rebecca Zlotowski (Les Enfants des autres...), elle aussi rompue, dans ses propres films, à rendre compte d'expériences intimes en renfort d'un propos politique. Et que le film sera porté par Noémie Merlant (Portrait de la jeune fille en feu), actrice surdouée et plus que confirmée, qui n'aura pas ici à subir le même sort que Sylvia Kristel, interprète du film de 1974. « Ce rôle dont je rêvais, tel un tremplin, m'a réduite pour toujours », déplorait ainsi celle-ci, regrettant d'y avoir été réduite à un corps, « tronquée, privée de ce tout qui constitue un être. » Nul doute qu'Audrey Diwan saura faire honneur à son personnage tout autant qu'à son interprète.

Emmanuelle, sortie le 25 septembre 2024 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

Partager cet article sur :

Nos derniers articles

Le film de Boris Lojkine nous plonge dans l’intimité d’un jeune Guinéen sans papiers, mais aussi dans le quotidien précaire de nombreux livreurs de repas que les Parisiens croisent tous les jours.

Rongées par le capharnaüm assourdissant de Mumbai, trois femmes se mettent en quête d'un nouvel horizon, espérant y trouver, pour la première fois, un espace de liberté. Avec le brillant All We Imagine As Light, Payal Kapadia s'impose comme une cinéaste à suivre.

Dans son ultime long-métrage, Sophie Fillières, avec finesse et cruauté, met en boite notre société et ses injonctions au bonheur et au bien-être.

Qu’est-il arrivé à Tim Burton ? Celui qui enchanta les années 1980 et 1990 semble s’être depuis longtemps perdu, enchaînant les films de moins en moins personnels. Cette suite très attendue à l’une de ses créations les plus illustres va-t-elle marquer la renaissance du cinéaste ?

La newsletter

Chaque mercredi, le meilleur des sorties culturelles à Paris avec L'Officiel des spectacles !