[critique] Jouer avec le feu : L'amour face à l'impardonnable

Le film plonge dans l’intimité de trois hommes – un père et ses fils – soudés par leur affection mutuelle, mais déchirés par d’insurmontables désaccords politiques.
Les sœurs Muriel et Delphine Coulin, à qui l’on doit Dix-sept filles (sélectionné à la Semaine de la critique à Cannes en 2011), Voir du pays (présenté dans la catégorie Un certain regard en 2016) et Charlotte Salomon, la jeune fille et la vie, délaissent l’univers très féminin de leurs précédents longs-métrages pour adapter le roman Ce qu’il faut de nuit (2020) de Laurent Petitmangin, qui plonge dans l’intimité de trois hommes – un père et ses fils – soudés par leur affection mutuelle, mais déchirés par d’insurmontables désaccords politiques.
Veuf, Pierre élève seul ses fils Félix – surnommé « Fus » – et Louis, tous deux au début de la vingtaine. Le plus jeune, Louis, réussit brillamment ses études et s’apprête à quitter leur petite ville de Lorraine pour s’installer à Paris, où il doit intégrer la Faculté des lettres de la Sorbonne. Fus, l’aîné, a davantage de difficultés. En décrochage, il sèche de plus en plus les cours de sa formation en métallurgie et fraye avec des militants d’extrême droite. Lorsqu’il l’apprend, Pierre n’en croit pas ses oreilles, lui qui a toujours fermement défendu des convictions de gauche. Profondément ébranlé, le voilà pris en étau entre la tendresse sincère qu’il éprouve pour son fils et son effarement vis-à-vis de ses opinions politiques, qu’il juge révoltantes.
Les cinéastes proposent ici un questionnement sensible sur l’inconditionnalité de l’amour : peut-on tout admettre de la part de ceux qu’on aime ? Jusqu’où peut-on les absoudre lorsqu’ils font des choix néfastes et commettent l’irréparable ? Davantage que la confrontation idéologique, c’est ce dilemme qui préoccupe les réalisatrices et qui fait tout l’intérêt de Jouer avec le feu.
Une famille de chair et de sang, entre connivence et incompréhension
Une des grandes qualités du film réside dans sa représentation de la cellule familiale que forment les protagonistes, campés avec justesse par Vincent Lindon (Pierre), Benjamin Voisin (Fus) et Stefan Crépon (Louis). On croit parfaitement à la complicité et à l’affection qui les unissent : leurs gestes et leurs échanges les plus anodins, les petites piques qu’ils se lancent et l’attention qu’ils se portent les uns aux autres – tout cela fait surgir sous nos yeux une famille éminemment incarnée, ce qui rend d’autant plus terrible le gouffre qui vient se creuser entre eux. Les acteurs ont su empreindre leurs personnages d’une saisissante authenticité, qui donne toute son ampleur au drame.
Jouer avec le feu, sortie dans les salles le 22 janvier 2025 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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