[critique] Mémoires d'un escargot : Toujours espérer de l’espérance

Ce deuxième long métrage d’animation en pâte à modeler de Adam Elliot est un pur chef-d’œuvre d’animation, abordant des thèmes difficiles (le deuil, la séparation…), qu’un humour corrosif et une tendresse infinie rendent bouleversants et lumineux.
Grace et Gilbert sont nés jumeaux. Elle est sentimentale et lui rebelle. À peine nés, les aléas de la vie les poussent à se protéger et à s’aimer d’un amour fraternel que rien ne saura détruire. Pas même quand, encore enfants, ils se retrouvent orphelins et, de ce fait, bientôt sans nouvelles l’un de l’autre car placés en famille d’accueil à deux points opposés de l’Australie. Un conte, dont la sombreur à la Dickens autour du deuil et de l’abandon, est illuminée par la beauté des décors, la qualité de l’animation, la puissance des sentiments et un récit bouleversant où l’amour et la foi en la vie finissent par triompher de l’adversité.
La force du rêve et de l’amour contre les malheurs de l’existence
Et si les prison les plus redoutables étaient celles qu’on se fabrique soi-même ? Par timidité ? Sentimentalisme ? Colère ? Parce que le destin est parfois douloureux et qu’il est difficile de le muer en destinée ? En réponse à ce questionnement essentiel, Adam Elliot nous offre une ode bouleversante et finalement pleine d’espoir. L’escargot évoqué dans le titre, confident de Grace, est aussi à prendre en son sens symbolique, à savoir qu’il représente le cycle mort et renaissance et, par extension, le double aspect des choses. Ainsi « Petit-Doigt », l’amie bienfaitrice que Grace qualifiera affectueusement de « diamant sur un tas d’ordures ». Mais aussi de l’amour qui peut libérer autant qu’enfermer, des jumeaux qui deviennent deux à partir d’une seule cellule et peuvent vibrer d’un même cœur tout en étant séparés voire différents. Et là encore, l’ambivalence est reine entre Grace qui subit sa vie mais s’y accroche tandis que son frère Gilbert rêve de magie mais est suicidaire.
Ce pourrait être déprimant. C’est sublime par la tendresse vivifiante que dégagent les deux héros et l’humour ravageur qui dynamite les hypocrisies, les modes, les médiocrités gangrénant, de nos jours, nos liens sociaux et familiaux. Mieux ! La fin nous rappelle qu’un bienfait n’est jamais perdu et que vivre c’est aussi savoir aimer les petits plaisirs. Si on ajoute la perfection de l’animation comme des décors, l’émouvante musique d’Elena Kats-Chernin, plus qu’un bonheur cinématographique, voici une authentique et édifiante leçon de vie.
Mémoires d'un escargot, sortie en salles le 15 janvier 2025 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Révélée à Cannes avec Un monde (2021), plongée hypersensible dans le phénomène du harcèlement scolaire, la réalisatrice belge Laura Wandel poursuit son exploration des fragilités de l’enfance.
Pour son deuxième long métrage, la réalisatrice japonaise Chie Hayakawa décline les luttes intérieures et l’imaginaire d’une préadolescente confrontée au deuil annoncé de son père et au manque d’attention de sa mère. Un film d’une sensibilité extrême évitant tout pathos.
Un homme, en pleine discorde au téléphone avec sa compagne, cherche la sortie dans un couloir de métro. Étrangement, l’homme se retrouve seul et, à chaque tournant, il revient toujours au même endroit. Que se passe-t-il ? Il découvre alors les règles d’un jeu cruel, le seul moyen d’atteindre la sortie 8.
Paris figure parmi les villes les plus filmées au monde avec près de 900 tournages annuels, et fascine cinéastes français et internationaux. Cette sélection présente des lieux de tournage phares, illustrés par des exemples de films, offrant une nouvelle manière de découvrir la ville à travers son histoire cinématographique.