Suzume de Makoto Shinkai [critique] : La montagne sacrée

© Wild Bunch

Le réalisateur japonais compose une histoire d'amitié où le merveilleux côtoie le sublime.

Avec la sortie de Your name, fin décembre 2016, Makoto Shinkai est devenu l'un des noms les plus attendus au sein du cinéma d'animation, bien au-delà du Japon dont il est originaire. Son nouveau film est directement inspiré d'une légende de la mythologie japonaise qui voudrait qu'une jeune fille ouvre des portes vers le domaine des esprits. C'est avec sa grâce et sa poésie habituelles que le réalisateur compose une merveilleuse histoire d'amitié où le merveilleux côtoie le sublime.

Suzume est issue de cette tradition littéraire et orale où le monde des esprits cohabitent avec la société humaine, à la manière par exemple de la mythologie grecque qui ressemble à bien des égards à ce que veut mettre en place Shinkai dans sa direction artistique. Celle-ci est ambitieuse et lumineuse, avec dès les premiers instants des scènes splendides qui voient le personnage de Suzume descendre à vélo la colline qui l'amène de son domicile à son lycée situé au bord de la mer. Le mouvement qui est imprimé dans cette introduction ne s'arrête plus, entrainant le film dans un « road movie » qui va balayer presque tous les lieux mythiques du Japon, à l'exception peut-être de l'île d'Hokkaido, située tout au nord de l'archipel. La jeune fille commence alors son parcours initiatique dans un rythme soutenu et particulièrement enthousiasmant. C'est pour elle l'occasion de retourner vers le chemin de son enfance et d'affronter le mystère de la disparition de sa mère biologique.

L'amour à trois pieds

Comme dans tous ses films, le cinéaste crée une relation forte entre son personnage principal et un autre protagoniste, embryon d'une histoire d'amour qui sera le moteur de l'action. Une grande partie du charme de ce deuxième personnage, Souta, l’énigmatique étudiant de Tokyo, est sa transformation au bout de quelques minutes en une chaise en bois, à cause d'une malédiction. Cette situation cocasse et totalement imprévue amène beaucoup d'humour au film, dans un registre inhabituel qui voit une lycéenne courir en pleine rue après un chat et une chaise à trois pieds. Ce petit groupe insolite donne beaucoup d'énergie à l'histoire, toujours dans un registre très grand public, mais sans jamais brader son ambition artistique, ni perdre de vue sa capacité d'émerveillement qui est gigantesque. Suzume est un film de grande qualité qui rappelle une nouvelle fois l'importance du cinéma d'animation.

Suzume, sortie le 12 avril 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

Partager cet article sur :

Nos derniers articles

Corse, 2017 : une surveillante pénitentiaire se retrouve mêlée à un double assassinat. Inspiré d'un fait divers, le nouveau film de Stéphane Demoustier joue la carte de l'austérité et de la sobriété. Le résultat ? Un drame soigné et ambigu, remarquablement interprété par Hafsia Herzi.

Premier film en tant que réalisateur de Florent Bernard, transfuge du studio Golden Moustache, Nous, les Leroy est un road trip familial avec José Garcia et Charlotte Gainsbourg. Cette comédie originale, récompensée du Grand prix au Festival de l’Alpe d’Huez, réussit le fin dosage entre humour et mélancolie.

Pour leur premier long métrage réalisé ensemble, Ethan Coen et sa co-scénariste Tricia Cooke se (et nous) défoulent avec ce road-movie féministe et décapant qui, parodiant la série B, use de ses outrances pour tirer à boulet rouge sur nos tabous. Irrésistible… Et parfois leste !

Loin de son Brésil natal, le réalisateur Karim Aïnouz plonge dans l’Angleterre du XVIe siècle, à la cour du roi Henri VIII, pour faire le portrait de Catherine Parr, la sixième et dernière épouse du sanguinaire souverain. Cette reine méconnue, jamais représentée au cinéma, se révèle fascinante d’intelligence et de modernité.

Newsletter

Chaque mercredi, le meilleur des sorties culturelles à Paris.