[critique] ​​​​​​​L’Injuste : Affronter l’implacable

© Jonty Champelovier

Jacques Weber et Élodie Navarre installent brillamment tension et malaise au Théâtre de la Renaissance avec une pièce diablement habile autour de François Genoud, le banquier des nazis.

« Il est manifeste que l'homme méchant n'a même pas envers lui-même de dispositions affectueuses, parce qu'il n'a en lui rien qui soit aimable » remarque Aristote. Tenir un tel rôle est une terrible gageure. Jacques Weber y parvient avec éclat. Il interprète François Genoud, banquier des nazis, héritier littéraire d’Hitler, antisémite revendiqué, soutien des mouvements de libération nationale du monde arabe, ami des terroristes d’extrême gauche et d’extrême droite. Du début à la fin du spectacle, Weber endosse et assume le costume du monstre, sans réserve, mais sans complaisance non plus, en comédien et non en moraliste.

Refus de la banalité du mal

Face à lui, Élodie Navarre campe une jeune journaliste venue, comme Ladislas de Hoyos face à Klaus Barbie, confondre le criminel contre l’humanité. Alexandre Amiel, Yaël Berdugo, Jean-Philippe Daguerre et Alexis Kebbas ont composé un texte intelligent, informé, alerte et précis. François Genoud utilise la défense de rupture, adoptée par Jacques Vergès au procès du boucher de Lyon, affirmant que la complexité de l’histoire et les failles biographiques de son accusatrice le dédouanent : si le méchant est attaqué par d’autres méchants, seule la force les départage.

Le ventre de la bête

Le décor de Camille Duchemin installe les deux comédiens dans un huis clos étouffant et Julien Sibre met en scène leur combat avec efficacité et fluidité : ils sont comme le loup face à l’agneau, puis comme l’ogre face à un Petit Poucet plus malin que lui, et enfin comme un Petit Chaperon rouge qui aurait lu Yvonne Verdier et compris que la confrontation avec le prédateur est un rite initiatique. Les auteurs et les comédiens réussissent à montrer que l’Histoire n’est pas, comme on veut le croire pour se rassurer, le combat entre le bien et le mal, sans pour autant sombrer dans le relativisme qui ferait du fascisme un simple hoquet du XXe siècle. Si le théâtre est politique, c’est pour montrer l’injustice, ni pour nous en consoler, ni pour nous en divertir.

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