[critique] Lumière ! au Lucernaire : La complainte du progrès

© Frédérique Toulet

Maxence Gaillard s’installe brillamment au Lucernaire avec la pièce imaginée par Stéphane Landowski autour de la guerre des courants, qui marqua les débuts de la maîtrise de l’électricité.

D’un côté Thomas Edison, inventeur prolifique et tyran de laboratoire, procédurier et narcissique, de l’autre Georges Westinghouse, industriel au tempérament aussi volcanique que son concurrent. À leurs bras, Mary et Marguerite ; entre eux, Nikola Tesla, d’abord employé du premier puis mascotte du second, dont il scella la victoire grâce à la supériorité pratique du courant alternatif sur le courant continu. Trop compliqué à transporter, le continu perdit la bataille : la force mathématique de Tesla supplanta le vibrionnant Edison, sourd aux idées géniales de l’autiste…

De l’électricité dans l’air

Stéphane Landowski imagine les démêlés de cette querelle en faisant la part belle aux femmes, qui soutiennent ou orientent leurs époux dans la course au progrès. L’ingénieuse et amusante scénographie imaginée par Georges Vauraz permet de passer allègrement de la paillasse d’Edison au salon des Westinghouse. Les comédiens investissent ce décor modulable avec une fringante énergie. Romain Arnaud-Kneisky campe un désopilant Tesla ; Lauriane Lacaze (Mary Edison) et Lou Lefèvre (Marguerite Westinghouse) offrent leur belle présence aux maîtresses femmes des deux inventeurs ; Maxence Gaillard et Guillaume d'Harcourt sont les héros survoltés de ce conflit intense et tendu.

De l’ombre à la lumière

En marge du plateau, Mathias Marty incarne William Kemmler, qui, bien malgré lui, servit d’expérience cruciale à la querelle. La pièce de Stéphane Landowski, rythmée et intelligente, offre un joli moment de vulgarisation scientifique, plaisant et clair. Elle ouvre aussi la réflexion sur les enjeux éthiques du progrès et de ses dérives faustiennes, les capacités d’autolimitation des chercheurs et « la logique de la non-découverte » comme la revendiquera un siècle après Jacques Testart. Avec cette première mise en scène dans le théâtre dont il est désormais propriétaire, Maxence Gaillard signe l’histoire d’hommes et de femmes qui inventèrent l’avenir dont ils rêvaient : à lui de reprendre le flambeau !

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