[critique] Mes copains d’abord : Haro sur l’époque !

Bien écrite, bien jouée, joliment troussée : la comédie de Joseph Gallet et Pascal Rocher, efficacement mise en scène par Anne Bouvier, fait mouche en étrillant joyeusement notre époque.
Céline, Ludovic, Audrey et Benoît sont invités chez Samuel pour fêter le réveillon du nouvel an, comme ils le font tous les dix ans pour renouveler leurs vœux d’amitié. Ils sont copains depuis le lycée, mais ont suivi des chemins différents. Ludovic est devenu expert en slogans pour hommes politiques et protections hygiéniques, Céline, son ex-femme, s’est convertie aux thérapies alternatives, Audrey inonde les réseaux sociaux pour sauver la planète, et Benoît n’a pas fait grand-chose, sinon un peu de prison… Ils arrivent chez Samuel, mais le magnat du numérique est mort ! Surprise : il a organisé un concours posthume pour décider lequel de ses quatre amis héritera son empire.
Génération X
Kim Schwarck, Nathalie Tassera, Christophe Truchi, Joseph Gallet, Sébastien Pérez, Jane Resmond, Jessica Berthe Godart, Nicolas Bresteau et Fabienne Louin interprètent en alternance ces quarantenaires au bord de la crise de nerfs, dont les défauts sont exacerbés par le huis clos. Les décors de Caroline Lowenbach (élégamment éclairés par Jacques Rouveyrollis) et les costumes d’Arnaud Caron installent l’intrigue dans la modernité à la fois cool et inquiète de la génération X. Entre fascination et agacement, ils essaient de composer avec un monde qui va trop vite pour eux et des valeurs qui leur ont été transmises sans qu’ils y croient vraiment.
Rire de A à Z
La mise en scène d’Anne Bouvier est intelligente et énergique. Les comédiens ne forcent pas le trait : ils laissent le texte déployer sa portée critique avec souplesse. Le plaisir de jouer est patent. Joseph Gallet et Pascal Rocher ont composé une satire perspicace, qui moque nos travers contemporains sans cruauté, parvenant adroitement à rire de tout, de la parenté défaite aux attachements polymorphes, des délires des médecines douces à ceux de la servitude numérique, de la dyslexie généralisée au désarroi moral. On rit de bon cœur à ce tableau d’une génération en détresse qui s’accroche au seul principe résistant à l’anomie virtuelle : l’amitié.
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