[critique] Smile : Nostalgie en noir et blanc
Reprise estivale de Smile au théâtre de l’Oeuvre : trois comédiens talentueux et touchants ; un spectacle original et singulier ; la surprise d’une magie théâtrale en noir et blanc.
Le spectacle de Dan Menasche et Nicolas Nebot doit beaucoup au talent de Laurent Béal, qui en a conçu les lumières. On sait cette technique, maîtresse d’illusions, essentielle au théâtre. Dans Smile, l’éclairage relève la gageure d’un retour dans le temps pour raconter une histoire en noir et blanc. On est en 1910. En ce temps-là, Charlie n’est pas Charlot, mais histrion dans la troupe comique de Fred Karno. Amoureux de Hetty, il a rendez-vous avec elle dans un bar du nord de Londres. Le cinéma est encore muet, à l’instar des grandes passions : Charlie peine à avouer sa flamme et s’emberlificote dans les cartons sur lesquels il a écrit sa déclaration.
Un béguin de Charlot
Pauline Bression (en alternance avec Ophélie Lehmann), Alexandre Faitrouni (en alternance avec Grant Lawrens) et Dan Menasche (en alternance avec Tristan Robin) interprètent le trio de jeunes gens avides de gloire, d’aventure et d’amour, qui font la douloureuse épreuve du choix entre l’autre et soi-même. Charlie rêve de l’Amérique ; Hetty le laisse partir. La mise en scène a beau rembobiner le film et répéter plusieurs fois le rendez-vous manqué, la victoire des feux de la rampe sur les feux de l’amour est inexorable. « La vie doit être comprise en regardant en arrière. Mais il ne faut pas oublier qu’elle doit être vécue en regardant en avant », disait Kierkegaard.
Le sentier de la gloire
Entre le barman qui rêve de devenir star et la jeune fille qui se résigne à laisser son génial prétendant aller tenter sa chance loin d’elle, Charlie devient progressivement celui que la pellicule immortalisera bientôt en clochard céleste. Un chapeau, un parapluie en guise de canne, la gaucherie émouvante de ceux que l’existence a trop souvent cabossés : le petit bonhomme attachant et maladroit s’affirme comme l’acteur génial que l’on connaît, improvisant les mimiques de son personnage à naître. La bonbonnière du théâtre de l’Oeuvre est un cadre idéal pour cette miniature théâtrale nostalgique et plaisante.
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