Fin de partie [critique] : Somptueux mausolée !

© Pierre Grosbois

Soirée d’exception à l’Atelier : un des plus beaux théâtres de Paris, un texte éclatant, des acteurs éblouissants et une mise en scène affûtée. Jacques Osinski magnifie Fin de partie !

Les œuvres géniales sont toujours nouvelles. Fin de partie – la plus grande pièce de Beckett et sa préférée – est d’une telle richesse que l’on y décèle à chaque fois des motifs inouïs. Jacques Osinski, à la mise en scène, et Denis Lavant (Clov), Frédéric Leidgens (Hamm), Claudine Delvaux (Nell) et Peter Bonke (Nagg) sont comme des orpailleurs tamisant un fleuve aurifère : chaque réplique fait surgir une nouvelle pépite. L’attention au texte, aux didascalies, à l’intention, à l’adresse, est sidérante de précision. Chaque geste de cette danse macabre est efficace.

Vie crépusculaire

Nell et Nagg, qui vivent dans des poubelles après avoir perdu leurs jambes dans un accident de tandem, sont les parents de Hamm. Clov est le fils adoptif, le valet, le souffre-douleur de ce tyranneau logorrhéique, qui régente la maison depuis la chaise roulante où le clouent la cécité et la paralysie. Curieuse famille et étonnants personnages…

Pourtant, chacun y reconnaîtra les siens ! Incompréhension mutuelle, rancœurs tenaces et haines recuites, baisers refusés, vexations mesquines et despotisme ordinaire. La pièce est comme la longue-vue avec laquelle Clov scrute l’horizon : elle grossit les traits que nous reconnaissons pour les avoir vus, chez nous-mêmes (ô lucidité !) et chez ceux qui nous entourent…

Théâtre solaire

La satire existentielle est cruelle sans être caricaturale. Jacques Osinski offre aux comédiens de tenir l’équilibre entre l’art du clown et la tragédie. Denis Lavant passe du pantin déséquilibré à l’enfant attendrissant en un clin d’œil. Frédéric Leidgens, détestable acariâtre, se change en sublime et poignant contempteur de la mort qui rôde. Les deux comédiens composent un duo comme on en voit peu, leur exceptionnel talent personnel étant exacerbé par leur complicité scénique. La scénographie de Yann Chapotel, les lumières de Catherine Verheyde, les costumes d’Hélène Kritikos : tout concourt à faire de ce spectacle un extraordinaire moment de théâtre.

Fin de partie, à découvrir au Théâtre de l'Atelier : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles

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