La Campagne [critique] : Cauchemar néorural

© Christophe Raynaud de Lage

Sylvain Maurice met en scène de manière acérée et subtile La Campagne, de Martin Crimp, interprétée par trois comédiens magistraux. Un suspense haletant, hypnotique et terrifiant.

Richard et Corinne ont fui le bruit et la fureur de la ville pour se réfugier au milieu des champs, dans une jolie maison. On se croirait chez Virgile ; ne manquent que les moutons. Richard est devenu médecin de campagne ; Corinne l’attend au domicile familial en découpant des images à coller autour du lit des enfants. Tout baigne. Enfin, presque… D’infimes fissures lézardent le bonheur immaculé. On peine d’abord à comprendre, tant les quarantenaires fringants sont sympathiques, mais le badinage cache des tensions sourdes et tenaces. Le rêve se transforme bientôt en cauchemar et le vaudeville léger en thriller obnubilant.

Le feu sous la glace

Isabelle Carré et Emmanuel Noblet (en alternance avec Yannick Choirat) excellent à installer l’ambiance délétère qui finit par engluer l’intrigue. Les ciseaux du découpage innocent finiront-ils en arme ? L’eau fraîche n’est-elle pas empoisonnée ? Richard est-il un médecin dévoué ou un incapable à l’incurie assassine ? Corinne est-elle une bonne mère ou une psychopathe égarée ? Le mystère est étouffant, la crise couve : elle éclate avec l’arrivée de Rebecca (remarquable Manon Clavel). Richard prétend l’avoir trouvée évanouie au bord de la route. Mais qui est-elle et où est le danger ?

Visages de la perversion

La scénographie de Sylvain Maurice installe les comédiens sur une vaste table autour de laquelle tout se joue, tout se noue et tout éclate, sans que les personnages ne quittent la retenue bienséante de leur classe. On est chez les bourgeois, même s’ils sont un peu bohême. On ne crie pas, on parle bas, on est à ce point attentif à la précision du vocabulaire que chaque mot est comme une flèche acérée et mortelle. Le plus extraordinaire, dans cette mise en scène au cordeau, servie par une interprétation d’une sidérante vérité, tient sans doute au fait que l’essentiel du drame se déroule dans l’imagination du spectateur. On sort de la salle en ayant l’impression d’avoir assisté à un crime parfait dont on est l’inventeur. Glaçant !

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