[critique] Anora : Kids in America

Filmant les contradictions de l'Amérique, Sean Baker montre un pays toujours à mi-chemin entre le parc d'attractions et la jungle. Palme d'or du Festival de Cannes 2024.
Strip-teaseuse dans un club privé new-yorkais, Anora est choisie par Ivan, un richissime fils d’oligarque russe, pour lui tenir compagnie pendant quelques jours. La relation tarifée se fait peu à peu plus tendre, et à la faveur d’une virée à Las Vegas, ils se marient. Mais la réalité, en la personne des parents d’Ivan, va bien vite se rappeler à eux et mettre un coup d’arrêt au conte de fée…
Au dernier festival de Cannes, Sean Baker, cinéaste méconnu du grand public, dont les premiers films ne sortaient pas en France jusqu’à ce que Tangerine (2015) et surtout The Florida Project (2017) viennent l’inscrire dans le champ de vision des cinéphiles, faisait a priori figure d’outsider dans la compétition. C’est pourtant bien lui qui a permis aux États-Unis de s’offrir sa nouvelle Palme d'or, 13 ans après celle de The Tree of Life de Terrence Malick. Il s’est ainsi imposé comme la nouvelle figure de proue d’un cinéma indépendant US en perte de vitesse ces dernières années. Sa marque de fabrique : une vision à la fois très sombre des rapports humains et de la société américaine, contrebalancée par des personnages solaires, énergiques et candides.
L’Envers de Disneyland
Filmant les contradictions de l’Amérique, Baker montre un pays toujours à mi-chemin entre le parc d’attractions et la jungle. Dans The Florida Project, on suivait une enfant de six ans faisant les quatre cent coups avec ses amis dans un motel en bordure de Disney World, tandis que sa mère luttait âprement pour s’en sortir. Dans Anora, une descendante moderne de la Cabiria de Fellini découvre, en suivant un héritier russe, comment les ultra-riches peuvent transformer pour leur usage exclusif le monde entier en un immense Disneyland.
La virée culmine symboliquement dans les décors artificiels de Las Vegas. Puis les enfants sont rattrapés par les adultes, le conte vire au cauchemar, le parc d’attraction est recouvert par la jungle. Le film livre ainsi un constat très amer, mais ne cède à la tristesse qu’au terme d’un long et bondissant périple, où le récit aura embrassé avec autant de fougue que de précision les grandes formes du cinéma classique US : la comédie romantique, le film de gangsters et le burlesque.
Anora, sortie le 30 octobre 2024 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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