[critique] Indomptables : Un polar viscéral dans les rues de Yaoundé

© Why Not Productions

Révélé comme humoriste sur les planches du Jamel Comedy Club, Thomas Ngijol était déjà passé derrière la caméra pour trois comédies populaires : Case départ (2011), Fastlife (2014) et Black Snake (2018). Avec Indomptables, sa nouvelle réalisation, il opère un changement de registre radical et signe un polar haletant.

À Yaoundé, le commissaire Billong (Thomas Ngijol) mène une enquête sur la mort d’un collègue, abattu lors d’une coupure de courant. Derrière les murs lézardés de la capitale camerounaise, ce père de famille autoritaire voit son univers s’effriter, tiraillé entre son devoir de justice et l’incompréhension de ses proches.

Une mutation artistique maîtrisée

Au cœur du projet se trouve un fait divers réel. Indomptables est l’adaptation libre du documentaire Un crime à Abidjan (1998) de Mosco Boucault, que Thomas Ngijol découvre à la télévision au début des années 2000. Fasciné par le portrait d’un commissaire ivoirien au tempérament inflexible, il mûrit longuement l’idée d’en tirer une fiction (à l’instar d’Arnaud Desplechin, qui s’est également inspiré d’un documentaire de Mosco Boucault pour Roubaix, une lumière en 2019).

Thomas Ngijol choisit de déplacer l’intrigue (à l’origine située en Côte d’Ivoire) au Cameroun, le pays de ses parents, afin de mieux s’approprier le récit, tout en conservant sa structure policière. Ce changement de décor lui permet de brosser un portrait réaliste de la société camerounaise contemporaine. Il filme sans détour les rues de Yaoundé : ses embouteillages, ses tensions quotidiennes, la débrouille des quartiers populaires. La photographie de Patrick Blossier magnifie cette matière brute, notamment dans les séquences nocturnes, où les coupures de courant deviennent un motif visuel récurrent et évocateur.

La force du film repose aussi sur son ancrage intime. Thomas Ngijol y injecte une part de son histoire personnelle, en s’inspirant de la figure de son propre père. Et si le sujet est grave, Indomptables ne renonce pas à quelques respirations. L’humour affleure par moments : les malfrats portent des surnoms insolites (Django, Poutine, Vin Diesel), et certains dialogues prennent des accents de comédie. Ces échappées légères n’affaiblissent jamais la tension dramatique. Avec Indomptables, Thomas Ngijol prouve qu’il sait manier le suspense autant que l’émotion. Il renouvelle ainsi son écriture cinématographique, tout en gardant sa singularité.

Indomptables, sortie dans les salles le 11 juin 2025 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

Partager cet article sur :

Nos derniers articles

Mis à jour le 31 juillet 2025 [Cinémas]

Paris, source d’inspiration inépuisable pour le cinéma, se révèle à travers des films qui racontent ses mille visages. Chaque œuvre offre une vision singulière de la capitale, capturant son authenticité, ses sons et ses ambiances. 

Sam, une jeune comédienne et fille au pair, souffre de troubles du stress post-traumatique... Porté par la captivante Rachel Sennott, le premier long-métrage d'Ally Pankiw trouve un équilibre inattendu entre la comédie et le drame.

Publié le 21 juillet 2025 [Cinémas]

Revenant aujourd’hui avec ce nouveau film inclassable et redoutablement efficace, nul doute que Alireza Khatami sera enfin considéré à sa juste mesure ; celle d’un grand cinéaste.

Pour leur premier long-métrage, Prïncia Car et Léna Mardi ouvrent une vitrine tendre, drôle et d’une revigorante justesse sur les jeunes « oubliés » des quartiers les moins favorisés de Marseille. Il en ressort une comédie bourrée d’énergie et édifiante.

La newsletter

Chaque mercredi, le meilleur des sorties culturelles à Paris avec L'Officiel des spectacles !