[critique] Le Château solitaire dans le miroir : Un regard subtil sur le mal-être adolescent
Adaptation du roman phénomène du même nom de Mizuki Tsujimura (2017), Le Château solitaire dans le miroir offre une vision poétique du spleen adolescent.
Fidèle à son style réaliste, le réalisateur Keiichi Hara réussit le tour de force d'être à la fois visuellement saisissant et émotionnellement intelligent.
Kokoro, 12 ans, refuse de se rendre au collège. Prétextant être malade, l'adolescente est en réalité persécutée par un groupe de filles. Un jour, dans sa chambre, elle découvre que son miroir ouvre une porte sur un autre monde. Accueillie par une fillette affublée d’un masque de loup, Kokoro découvre un château grandiose où l'attendent six autres adolescents. « La Reine Louve » leur lance alors un défi : retrouver l'unique clé de la « Porte des vœux ». Cette dernière permettra à l'heureux·se élu·e de réaliser son souhait le plus cher.
Dès ses premières minutes, Le Château solitaire dans le miroir dévoile une grande sensibilité tout en déroulant une narration complexe autour de motifs chers à Keiichi Hara (Colorful, Miss Hokusai, Wonderland, le royaume sans pluie) : le mal-être adolescent, les souffrances intériorisées, le récit initiatique, ou encore l'irruption du fantastique dans le réel. S'il propose une approche fidèle de l'œuvre de Mizuki Tsujimura, le réalisateur sait aussi imposer son style, visuellement inspiré, coloré et précis. Une forme sophistiquée et une maîtrise quasi-parfaite qu'il met au service d'un propos universel et plus que jamais d'actualité.
Un portrait délicat sur les violences faites aux enfants
Quelque part entre la fable et la chronique sociale, le film met en avant sept adolescents dont les parcours sont marqués par toutes formes de violence : harcèlement et phobie scolaires, inceste, pression parentale, deuil, chantage... Et il raconte plus précisément leur difficulté – plus que légitime – à les surmonter.
Aux images frontales, le réalisateur préfère l'allusion et la poésie, mais ne cède jamais à la mièvrerie ni à l'outrance allégorique. Plutôt que de s'intéresser aux bourreaux, il privilégie d'autres horizons tels que la réconciliation et la guérison. Teinté d'optimisme et de réconfort, son regard et son discours lucides lui permettent de toucher un auditoire enfantin comme adulte. Et si parfois, le récit prend (un peu trop) son temps, il ne trahit jamais les émotions sincères qui innervent l’ensemble. Ce sont bien là les signes d'une œuvre mature tout autant que la confirmation d'un futur grand nom de l'animation japonaise.
Le Château solitaire dans le miroir, sortie le 6 septembre 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Présenté en compétition officielle lors du dernier festival de Cannes, La Petite Dernière est la rencontre d'une première œuvre littéraire, celle de Fatima Daas, et de l'actrice réalisatrice Hafsia Herzi.
Huit ans après son court métrage remarqué, Come Swim, Kristen Stewart adapte sur grand écran les mémoires de l'écrivaine américaine Lidia Yuknavitch. Et signe une œuvre aussi ambitieuse qu'éprouvante. Le verdict est sans appel : une cinéaste est née.
Nouvelle Vague raconte la genèse et la fabrication d’À bout de souffle – premier long métrage de Jean-Luc Godard, film fondateur de la Nouvelle Vague et révélation de Jean-Paul Belmondo – comme s’il avait été tourné au temps des making-of.
Figure de proue du cinéma iranien et visage de la résistance à la répression dans son pays, Jafar Panahi construit une œuvre puissante, dans la lignée de Kiarostami.





