[critique] Le Mélange des genres : Qui a peur des féministes ?

Habitué aux sujets qui fâchent, le cinéaste Michel Leclerc s’attaque cette fois au mouvement #MeToo et à ses conséquences sur les rapports entre hommes et femmes.
En racontant l’histoire d’une policière infiltrée dans un groupe féministe qui, pour protéger sa couverture, accuse injustement un homme de viol, le film ose une situation limite, qui dérange et suscite la réflexion. De cette proposition risquée, Michel Leclerc tire un film drôle, grinçant, critiquable aussi, et magistralement interprété.
Simone enquête sur les « Hardies », un collectif féministe qu’elle soupçonne d’avoir aidé une femme à tuer son mari violent. Évoluant dans un milieu très masculin, elle ne se considère pas comme opprimée. Il faut savoir s’imposer, voilà tout ! Petit à petit, au contact de ces féministes qui n’ont finalement rien de harpies irresponsables, et qui aident réellement des femmes en détresse, Simone prend conscience de certains comportements de ses collègues hommes. Et si les Hardies disaient vrai ? Si la police refusait parfois de prendre les plaintes de femmes victimes de violence ?
Léa Drucker incarne avec une grande finesse ce personnage pas tout à fait aimable, mais pas mal intentionné pour autant. Paul, que Simone accuse pour se couvrir, est, ironie du sort, un homme au foyer d’une grande douceur, acquis à la cause féministe et prompt à l’autocritique. Cette accusation le bouleverse et le pousse à une véritable enquête sur lui-même. Ne s’est-il pas rendu coupable d’agressions sans s’en apercevoir ? Homme au foyer modèle, ne fait-il « tout ce qu’il faut » que dans l’attente d’une reconnaissance ? C’est cette crise intérieure qui intéresse Leclerc, cette douloureuse remise en question dont les hommes soucieux d’égalité ne peuvent faire l’économie.
Un film provocateur, mais sans ambiguïtés
Bien sûr, mettre en scène une fausse accusation de viol n’est pas anodin. D’aucuns reprocheront à l’auteur d’alimenter les fantasmes des opposants à #MeToo. Bien que plusieurs répliques rappellent que la chose est très rare, cette situation de départ est perturbante. Mais cet inconfort est lié au projet du film : pousser le bouchon, énerver pourquoi pas, mais inciter à la réflexion. S’il ne fera pas l’unanimité, Le Mélange des genres est cependant limpide sur ses intentions. La scène ou Paul, subtilement interprété par Benjamin Lavernhe, est approché par des masculinistes est en cela éloquente : « je préfère perdre avec elles que gagner avec vous », leur répond-il. On ne saurait mieux dire.
Le Mélange des genres, sortie dans les salles le 16 avril 2025 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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