[critique] The Brutalist : Il était une fois en Amérique

Une œuvre ample et terrible, où l’intelligence de la mise en scène rivalise avec la recherche technique, qui a été récompensée par un Lion d’argent et trois Golden Globes.
Si Brady Corbet débute une carrière d’acteur (Funny Games US de Michael Haneke ; Melancholia de Lars von Trier), à partir de 2014, il la met entre parenthèses et se consacre à la mise en scène. Son premier long-métrage, L'Enfance d'un chef, sort en 2015 avec un casting mené par Robert Pattinson et Bérénice Béjo. Malgré ses qualités, il échoue au box-office et n’est pas distribué en France, mais atteste de la naissance d'un regard et d'une grande ambition formelle. Vox Lux (2018), lui aussi boudé, ne sort pas non plus sur nos écrans… The Brutalist, son troisième film, a un destin tout autre. Cette œuvre ample et terrible, où l’intelligence de la mise en scène rivalise avec la recherche technique, a été récompensée par un Lion d’argent et trois Golden Globes.
Le film s’intéresse au destin de survivants de la Shoah, László et Erzsébet. Séparés durant le conflit, l’un déporté à Buchenwald, l'autre à Dachau, ils parviennent de haute lutte à se retrouver aux États-Unis, où Laszlo espère reprendre sa brillante carrière d’architecte. Si la figure est bien connue, Corbet en fait un récit aussi poignant que tumultueux. Sa mise en scène épouse une sorte de mouvement perpétuel soulignant l'urgence du moment.
Si l'architecture devient le centre névralgique du film, c'est pour mieux laisser hors-champ les véritables enjeux : le « syndrome du survivant », subi par ces rescapés des camps, et la place impossible à trouver dans une société qui ne veut pas d’eux. Cette douleur, cette rage est intériorisée. Peu de dialogues la manifeste de façon explicite. Elle n’en ressort que mieux, comme un éclat, quand on croit qu'elle est définitivement maîtrisée. László est un corps en souffrance permanente, qui ne trouve aucun repos, pas même dans ses retrouvailles avec Erzsébet et sa nièce Zsófia.
Cinéma du réel
La deuxième partie du film se déroule en partie à Carrare, territoire emblématique du marbre du même nom, où l'architecte hongrois est venu rechercher la matière nécessaire à l'accomplissement de son grand œuvre en Pennsylvanie. Après plus de trois heures à bouleverser nos sens par une mise en scène aussi précise que virtuose, Brady Corbet choisit de conclure son film par des images au style documentaire. Loin de la success story classique, ce récit semé de désillusions est finalement très critique vis-à-vis de cette Amérique rêvée où tout le monde aurait sa chance. Cette noire lucidité n’est pas la moindre des qualités de cette œuvre-somme, servie par de magnifiques interprètes.
The Brutalist, sortie dans les salles le 12 février 2025 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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