[critique] Un coup de maître : Une âme d'artiste

© Thomas Nolf

Quatre ans après Le Mystère Henri Pick, Rémi Bezançon prolonge son geste de cinéaste dans la comédie et la parabole artistique, substituant la peinture à la littérature, et Fabrice Luchini laissant sa place centrale au duo composé par Bouli Lanners et Vincent Macaigne.

La dynamique de l'histoire flirte volontiers avec l'humour absurde, comme une illustration délicieuse de la condition d'artiste contemporain, constamment écartelé entre les lois du marché de l'art et une philosophie de vie plus absolue et métaphysique.

Dans le domaine de l'art pictural, il est fréquent de trouver une association entre un personnage pragmatique, représenté dans le film par le personnage d'Arthur, et le désintéressement libertaire de l'artiste écorché vif, rétif à tout compromis avec sa haute vision de la création. L'auteur bâtit toute son intrigue autour de cette ambivalence où les deux archétypes se combattent tout en s'aimant profondément, formant un couple dont les racines remontent aux Beaux-arts et à une vision commune de cette passion dévorante.

Tous deux tournent autour d'un même axe burlesque où les excès de l'un permettent les envolées lyriques de l'autre, moteur d'un film qui n'est jamais aussi intéressant que quand ses personnages s'affrontent sur fond de métaphores et de citations de peintres célèbres. Le film commence sur un tableau de Renzo Nervi, comme une invitation au spectateur de plonger dans la fiction comme on commence un voyage.

« En attendant Bouli »

Au-delà de l'art et son marché si particulier, le film est avant tout une histoire d'amitié volontiers destructrice, qui repousse sans cesse les limites de ce que l'on peut accepter dans ce type de relation. Arthur sacrifie tout pour Renzo, le film s'amusant à placer face aux personnages des choix toujours plus complexes qui les force à se questionner sur leurs propres limites. Peut-on tuer par amitié ? Tous les moyens sont-ils bons pour correspondre à l'idée qu'on se fait d'une société idéale ? Une foule de questions défilent et nous percutent comme autant de mises en abyme sur l'absurdité de nos quotidiens, et la moindre initiative peut devenir un geste politique, intimement inscrite dans le script, définissant une démarche artistique. Rémi Bezançon réussit un film à la fois intelligent et sensible qui n'a de cesse de creuser le cœur de cette amitié magnifique.

Un coup de maître, sortie le 9 août 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

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