Dernière Nuit à Milan [critique] : Favino, la nuit lui appartient

© Loris T. Zambelli

Pour son troisième film, Andrea Di Stefano signe un polar d’un classicisme maîtrisé, porté par un Pierfrancesco Favino plus que parfait dans le rôle d’un policier ordinaire qui va se révéler le temps d’une nuit. Un film noir, fort et tenu, mais aussi un hommage « à toutes les personnes qui ont pour seule ambition d’être des gens bien ».

Il a beau s’appeler Franco Amore, sa dernière nuit à Milan ne sera pas une nuit d’amour. Car son ultime nuit de service avant de prendre sa retraite va s’avérer une descente aux enfers, plus risquée que les 35 années de carrière que ce brave policier a effectuées au service de l’État. S’il n’est jamais monté en grade, Amore peut se targuer d’être resté un « honnête homme », un ami solide, un mari dévoué. C’est d’ailleurs pour son épouse, Viviana, qu’il arrondit ses fins de mois avec quelques missions de sécurité privée. Mais il pose ses principes, pas d’armes, pas de violence. Jusqu’à cette terrible dernière nuit où ses deux activités vont se croiser au péril de sa vie, et d’autres. Entre mafieux chinois et flics corrompus, c’est un Milan tortueux qu’il va devoir parcourir.  

Dans la veine des grands polars des années 1970 

Avec son troisième film en tant que réalisateur, après une carrière d’acteur comptant des participations à quelques grosses productions internationales, Andrea Di Stefano continue d’explorer son goût pour le suspense. Il signe ici un film noir dans la veine des grands polars des années 1970. Di Stefano s’est d’ailleurs battu pour tourner à l’ancienne, au format 35 mm, plutôt qu’en numérique. La mise en scène empreinte d’un classicisme qui n’a rien de suranné rappelle les engrenages du Cercle rouge de Jean-Pierre Melville, les enquêtes tendues d’Elio Petri. Même la musique lancinante de Santi Pulvirenti raisonne en écho aux BO de Georges Delerue. 

Mais la plus belle partition demeure celle offerte à Pierfrancesco Favino, magistral. L’acteur romain offre une densité à ce personnage d’homme ordinaire, rendu amer par le manque de reconnaissance obtenu de sa hiérarchie et de la société. Après la tentaculaire Naples de Nostalgia, Favino joue une nouvelle fois un homme confronté à sa ville. Dans ce Milan crépusculaire, Favino cultive l’art de s’effacer, il gomme son charisme naturel pour jouer un homme qui en est dépourvu. Il a le charme fatigué d’un Marcello Mastroianni, la faconde d’un Gian Maria Volonté, la force tranquille d’un Ugo Tognazzi… et sa propre palette unique et fascinante.

Dernière Nuit à Milan, sortie le 7 juin 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

Partager cet article sur :

Nos derniers articles

Rongées par le capharnaüm assourdissant de Mumbai, trois femmes se mettent en quête d'un nouvel horizon, espérant y trouver, pour la première fois, un espace de liberté. Avec le brillant All We Imagine As Light, Payal Kapadia s'impose comme une cinéaste à suivre.

En se livrant à une nouvelle adaptation du roman d'Emmanuelle Arsan, l'autrice de L'Événement promet de contemporanéiser les représentations du film de 1974, en premier lieu celles du plaisir et du consentement féminins

Dans son ultime long-métrage, Sophie Fillières, avec finesse et cruauté, met en boite notre société et ses injonctions au bonheur et au bien-être.

Qu’est-il arrivé à Tim Burton ? Celui qui enchanta les années 1980 et 1990 semble s’être depuis longtemps perdu, enchaînant les films de moins en moins personnels. Cette suite très attendue à l’une de ses créations les plus illustres va-t-elle marquer la renaissance du cinéaste ?

La newsletter

Chaque mercredi, le meilleur des sorties culturelles à Paris avec L'Officiel des spectacles !