[critique] L'Inconnu de la Grande Arche : Le vertige d'un idéaliste face au pouvoir
Avec L'Inconnu de la Grande Arche, Stéphane Demoustier transforme un épisode oublié de l'histoire politique française en un drame humain vibrant.
En s’inspirant de faits réels et en adaptant le roman de Laurence Cossé, le cinéaste retrace la genèse de la Grande Arche de La Défense, monument emblématique du rêve mitterrandien.
En 1983, un concours international désigne à la surprise générale un architecte danois inconnu, Johan Otto von Spreckelsen, pour concevoir ce cube monumental ouvert sur le ciel. Sans agence, ni expérience comparable, ce créateur solitaire se voit propulsé au cœur d’une aventure titanesque : ériger un symbole républicain sous le regard du pouvoir. Entre utopie géométrique et réalités politiques, Stéphane Demoustier capte avec une grande finesse la trajectoire d’un homme idéaliste, confronté à la complexité d’un système qu’il ne maîtrise pas.
Un film d’une rigueur exemplaire, où l’architecture devient miroir de l’âme
Fidèle à sa sensibilité pour les récits ancrés dans le réel, le réalisateur de La Fille au bracelet signe un film d’une clarté rare. Il parvient à rendre captivant un univers d’architectes, de ministres et de technocrates, en donnant à cette matière technique une dimension humaine. À travers la rigueur de la mise en scène et le soin porté aux détails, L'Inconnu de la Grande Arche fait ressentir les doutes, la solitude et les fulgurances d’un artiste obsédé par la perfection.
Le rythme, soutenu sans être frénétique, épouse les étapes de la construction comme autant d’épreuves initiatiques. L’esthétique élégante du film rend hommage à la pureté des lignes imaginées par Spreckelsen, tout en révélant la tension entre l’art et le pouvoir.
Dans le rôle principal, le danois Claes Bang livre une performance magistrale où sa prestance froide cache une vulnérabilité bouleversante. À ses côtés, Michel Fau donne des signes de noblesse à un François Mitterrand incarné. Stéphane Demoustier dirige ce duo avec une sobriété exemplaire. Il filme la beauté des maquettes, la verticalité du béton, mais aussi la fatigue des individus qui ont grande foi dans l’artisanat. L’Arche en devenir devient alors la métaphore d’un idéal : celui de la création et du rêve face au cynisme. L’Inconnu de la Grande Arche s’impose comme une œuvre élégante, inspirante et profondément humaine.
L'Inconnu de la Grande Arche, sortie dans les salles le 5 novembre 2025 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France
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