La Conspiration du Caire [critique] : Au cœur de la corruption

© Memento Films

Cinq ans après le remarqué Le Caire confidentiel, Tarik Saleh continue de sonder une société égyptienne nécrosée par la corruption systémique. Plongé, cette fois-ci, au cœur d’une université coranique, son nouveau thriller est un exemple de maîtrise cinématographique.

En 2017, dans Le Caire Confidentiel, Tarik Saleh décrivait déjà une société égyptienne en proie aux faiblesses morales et à la soif de pouvoir. Mêlant suspense et pamphlet politique, le réalisateur suédois (et d'origine égyptienne) signait non seulement une radiographie sombre et édifiante, mais ne manquait pas de redéfinir, au passage, les contours du polar avec talent et inspiration. Cinq ans plus tard, le voilà de retour en Égypte.

Il délaisse ici l'enquête criminelle pour s'intéresser à une tout autre lutte, qui se joue entre les murs de l'Université Al-Azhar. Prestigieuse institution islamique sunnite qu'intègre Adam (Tawfeek Barhom). Promis à un avenir brillant, ce fils de pêcheur, aux origines modestes mais aux habiletés intellectuelles impressionnantes, voit son parcours basculer lorsque le Grand Imam meurt subitement. Alors qu'un remplaçant doit être nommé, le jeune homme va se retrouver au cœur d’une guerre d'influence, menée par les élites religieuses et politiques de l’État. L'innocence et les convictions d'hier sont plus que jamais menacées...

Un récit implacable

Sur la forme comme sur le fond, La Conspiration du Caire fait preuve d'une redoutable efficacité. Tout d'abord, parce que le film se déleste rapidement de toute digression narrative. En quelques minutes, Tarik Saleh plante ainsi le décor, les personnages et les enjeux d'un récit paranoïaque, mais indéniablement passionnant de par ses résonances politiques.

Dans un souci de lisibilité et de fluidité, le cinéaste accorde sa mise en scène – un exemple de maîtrise – à son écriture. Par un malin jeu de contrastes, où intimité et communauté, religion et laïcité, action et parole ne cessent de se déchirer, il questionne les possibilités d'une paix étatique alors même que le système politico-judiciaire du pays est en berne. Se heurtant à l'instrumentalisation – de la pédagogie, d'abord, puis de l'idéologie –, son héros dépassé fait face à un bouleversement intérieur. Ne cédant jamais au manichéisme, ce dilemme moral va naturellement cristalliser la tension dramatique du film. Malgré une seconde partie qui perd de vue ses ambitions, ce nouvel essai engagé s'impose donc comme un rendez-vous qu'il serait dommage de manquer.

La Conspiration du Caire, sortie le 26 octobre 2022 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

Partager cet article sur :

Nos derniers articles

Publié le 22 juillet 2024 [Cinémas]

Marcel Pagnol nous a quittés en 1974. L’occasion de redécouvrir sur grand écran dix des films les plus mythiques de ce géant du cinéma populaire français que le sens de la réplique, la force des personnages et l’humanité des thèmes ont rendu intemporel.

Une jeune veuve indienne, Santosh, récupère le poste de son défunt mari et devient gardienne de la paix. Le meurtre et le viol d'une jeune Intouchable va bouleverser sa conception de la justice.

Publié le 8 juillet 2024 [Cinémas]

Suite au succès critique de son premier long métrage The Guilty, Gustav Möller confirme avec Sons son aisance dans le genre du thriller psychologique en huis clos, patiné ici de drame carcéral sombre et équivoque.

Entre Kevin Costner et le western, l'histoire d'amour perdure. Plus de 20 ans après Open Range, l'acteur revient à la réalisation avec Horizon, premier chapitre d'une œuvre aussi sincère que démesurée, et dont le classicisme raffiné n'est pas sans évoquer les grandes heures du genre.

La newsletter

Chaque mercredi, le meilleur des sorties culturelles à Paris avec L'Officiel des spectacles !