[critique] Art au Théâtre Montparnasse : Amis de trente ans
Trente ans après la création de la pièce de Yasmina Reza, François Morel, Olivier Broche et Olivier Saladin reprennent les rôles devenus classiques de Marc, Serge et Yvan. Événement de rentrée au Théâtre Montparnasse.
Une banane collée sur un mur, un carré blanc sur fond blanc, de l’outrenoir pour révéler la lumière : l’histoire des arts est riche en occasions de renouveler la querelle des Classiques et des Modernes. Le bon sens et la tradition, en réaction aux délires du toc et du chiqué, appellent un chat, un chat, et « une merde blanche », « une merde blanche ». Serge, dermatologue incapable de comprendre que la verrue monochrome qu’il a achetée une fortune est sans intérêt, se fait recadrer par Marc, ingénieur rationnel et sincère, intransigeant comme Alceste. Yvan ménage la chèvre et le chou, mais peine à résister entre le marteau et l’enclume.
Du malheur des intégristes
La pièce de Yasmina Reza continue de faire rire, trente ans après ses débuts à la Comédie des Champs-Élysées, dans la mise en scène inaugurale de Patrice Kerbrat. François Morel la reprend avec certains de ses créateurs d’alors (Edouard Laugh pour la scénographie, Laurent Béal aux lumières) et les membres de sa famille de cœur. Olivier Broche et Olivier Saladin sont avec lui sur scène pour interpréter cette dispute amicale qui, au-delà du prétexte de savoir ce qui fait le goût et dicte le beau, interroge ce qui titille tous les attachements : peut-on être en désaccord et s’aimer quand même ? Peut-on aimer ses amis plus fort que ses idées et malgré les leurs ?
Des Deschiens aux bobos
Les comédiens, amis à la ville et complices sur scène depuis La Famille Deschiens, retrouvent les accents de leurs premiers succès communs : Olivier Broche en esthète incompris, Olivier Saladin en pataud confus, et François Morel en terrien allergique aux nuées. « Plutôt qu’argent entasser, mieux vaut amis posséder », disait Gogol. En trente ans, le talent comique de la triplette clownesque n’a pas pris une ride et établit avec finesse qu’il est sage d’éviter les conflits inutiles : il faut savoir mettre de l’eau dans son vin pour continuer à trinquer ! La rentrée théâtrale commence en fanfare avec ces retrouvailles et cet éloge touchant de l’amitié.
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