[critique] Le Journal d’une femme de chambre au Théâtre de Poche-Montparnasse

© Fabienne Rappeneau

Le Théâtre de Poche reprend le spectacle créé l’automne dernier à la Huchette. Un pur joyau, magistralement interprété par Lisa Martino et remarquablement mis en scène par Nicolas Briançon.

Délicieuse et mutine, amusante et lucide, Célestine est une rouée de première envergure, offrant son âme au Bon Dieu et son cul aux bonshommes avec la même admirable bonne conscience. Puisqu’il n’y a rien de plus doux que la caresse des moustaches dans la nuque, et que les bourgeois peinent souvent à jouir avec leur régulière, autant rendre service : tant que le plaisir est réciproque, il n’y a pas grand mal à aimer son prochain. D’autant que Célestine n’a jamais sauté le pas de la domesticité à la galanterie, et qu’elle a toujours, de place en place, su ménager les ménages et astiquer soigneusement l’argenterie.

D’innocence en dépravation

Lisa Martino, visage d’ange et corps affriolant, médite et se confie. Elle raconte, avec une grâce qui la rend irrésistible, sa vie de soubrette dévouée et coquine, parfaitement au fait des turpitudes du monde et de la manière élégante dont on doit les cacher sous le tapis. « Si infâmes que soient les canailles, elles ne le sont jamais autant que les honnêtes gens. » dit Octave Mirbeau, qui dresse un portrait au vitriol des nantis, pervers, dépravés et profiteurs sans scrupules. Mais, si les bourgeois sont des fripouilles, leurs domestiques ne valent pas mieux : il ne suffit pas de repérer le vice chez les autres pour être vertueux.

De verdeur en pourriture

En tombant dans les bras de Joseph, le cocher antisémite et sadique, et en acceptant d’aller s’établir avec lui dans un café de Cherbourg, acheté avec le butin dérobé chez les Lanlaire, Célestine devient détestable patronne et femme d’assassin. Comme le disait Marx du lumpenprolétariat, « ses conditions de vie le disposeront à se vendre à la réaction ». Lisa Martino incarne cette dérive avec un talent époustouflant : on en vient à détester Célestine après l’avoir adorée. Le jeu de la comédienne est éblouissant. Du début à la fin, elle laisse pantois. On sort obnubilé, sidéré et un peu groggy de s’être ainsi fait berner ! Exceptionnel !

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