[critique] L'Os à moelle : Un succulent spectacle !

Publié le 9 novembre 2023 à 07h57| Par Catherine Robert | Rubrique : Théâtres | Image © Marion Duhamel

Anne-Marie Lazarini mitonne un ragoût délicieux fait des meilleurs morceaux de L’Os à moelle. Cédric Colas, Emmanuelle Galabru et Michel Ouimet le servent avec entrain, loufoquerie et talent.

Humour vachard, rire lucide, sens du grotesque et passion pour l’absurde : la cuisine de Pierre Dac est de celles qui plaisent aux buveurs illustres, vérolés très précieux et fous oisifs chers à Rabelais. Il « faut être sages pour humer, sentir et estimer ces beaux livres de haute graisse » que sont les exemplaires de L’Os à moelle, le journal publié par Pierre Dac entre le 13 mai 1938 et le 7 juin 1940. La substantifique moelle de ces chroniques loufoques se suçote avec zèle et ferveur, et l’on rit avec bonheur en entendant Cédric Colas, Emmanuelle Galabru et Michel Ouimet redire les recettes de Tante Abri et les relances à Adolf Hitler, impécunieux lecteur qui ne paie pas son abonnement.

C’est pas rigolo d’être drôle

Rabelais dit de Gargantua en son prologue qu’on y trouve « une bien autre saveur et une doctrine plus profonde, qui révèlera de très hauts sacrements et mystères horrifiques, tant sur notre religion que sur l'état de la cité et la gestion des affaires » : pareil pour L’Os à moelle ! Honneur à Anne-Marie Lazarini d’avoir ainsi ressuscité ces blagues d’avant-guerre ! Car tout y est des égarements et des folies de notre époque ! Si revient le vert-de-gris qui provoqua la dissolution de L’Os à moelle, il y a des chances que ce genre d’humour le rende furax et qu’il le trouve aussi résistant que les tâches de graisse qu’il vaut mieux découper pour les faire disparaître…

Du Dac au Dac

Simplicité efficace du décor, fait de placards reproduisant les unes du manifeste sardonique, partage de quelques petites annonces, lecture des éditoriaux : la plaisanterie est encadrée par des jalons historiques et quelques refrains partisans bien sentis, qui rappellent que la drôle de guerre a été suivie d’une période franchement moins marrante ! Anne-Marie Lazarini et les siens redonnent dignité à l’humour et hauteur à la moquerie, en notre temps, où toutes les blagues ont goût de fiel. Courez à l’Artistic Théâtre : il est encore temps de rire !