[critique] Pauvre Bitos, le dîner de têtes : Iconoclaste chamboule-tout

Thierry Harcourt met en scène la pièce de Jean Anouilh, qui fit scandale à sa création. Brillante interprétation pour un jeu de massacre cruel, dont le contexte politique actuel aiguise les enjeux.
En 1956, Bitos fit grincer des dents ! Les engraissés du marché noir et les fonctionnaires de Vichy avaient été recyclés en conquérants prospères des Trente Glorieuses ; les patriotes de la dernière heure avaient tondu pour éviter de l’être : tout le monde préférait croire à l’héroïsme officiel d’une France résistante. La pièce d’Anouilh est un pavé dans la mare : au lendemain de la Libération, des bourgeois odieux se réunissent pour se payer la tête de l’épurateur Bitos, avant qu’il ne leur fasse la peau. Ce dîner de cons est une véritable curée.
Pied de nez ou coup de tête ?
Maxime convie les meilleurs ennemis de Bitos à un dîner, où chacun se voit confier le rôle d’un révolutionnaire célèbre. En rejouant la Terreur, tous règlent leurs comptes et révèlent leur nature. Maxime d’Aboville et Adrien Melin ont adroitement raccourci le texte et allégé la distribution, sans en altérer les enjeux, ni en relâcher les tensions. On retrouve Danton, le porc lubrique, le naïf Desmoulins et sa tendre Lucile, Mirabeau, maître ès revirements, Marie-Antoinette, Saint-Just, le Lucifer halluciné. Au centre de l’arène se tient Robespierre, dont le chef est confié à Bitos, humilié dans son rôle comme dans sa personne par cette clique de salonards impudents.
Tous pourris ou tous humains ?
Le décor de Jean-Michel Adam, les lumières de Laurent Béal et les costumes de David Belugou offrent un magnifique écrin aux comédiens, tous remarquablement justes. Maxime d’Aboville, Adel Djemai, Francis Lombrail, Adrien Melin, Etienne Ménard, Adina Cartianu (en alternance avec Clara Huet) et Sybille Montagne composent une troupe harmonieuse, magistralement dirigée par Thierry Harcourt. Du grand théâtre ! À notre époque, où les ligues de vertu côtoient les calculateurs cyniques, où les profiteurs des guerres nouvelles rivalisent d’indécence avec les tribuns populistes, la terrible question est de savoir qui est qui… Au public de trancher, en veillant à ne pas confondre élections et chamboule-tout !
Pauvre Bitos, le dîner de têtes au Théâtre Hébertot : réservez vos places avec L'Officiel des spectacles
Partager cet article sur :
Nos derniers articles
Deux clowns un brin décalés s’échappent de leur chapiteau camisard pour découvrir le grand cirque de la vie. On leur emboîte le pas, guidé par Clément Poirée et l’équipe du Théâtre de la Tempête.
Au fond d’une impasse, sur le boulevard du Montparnasse, le Théâtre de Poche, dirigé par Stéphanie Tesson et Gérard Rauber, se veut lieu de rencontre et de vie au service des grands textes.
Comme chaque année, nous vous proposons une liste, la plus exhaustive possible, des personnalités que vous pourrez retrouver sur les planches des théâtres parisiens durant cette fin d'été et cet automne 2025.
La plus petite des grandes salles de théâtre parisiennes, qui a vu – et voit encore – éclore les plus grands humoristes, célèbre jusqu’au 29 septembre son jubilé en grande pompe. Il n’y en aura pas pour tout le monde !