Une mouette : Nous ne sommes pas des poupées !

Elsa Granat ose une belle infidèle de La Mouette, qui éclate avec fracas dans la salle Richelieu du Français : une archéologie des névroses qui interroge la place des femmes et sauve Arkadina.
C’est toujours la faute de la mère qui – Freud dixit – fait mal quoi qu’elle fasse. La littérature en atteste et le patriarcat le tient pour une évidence : il faut se méfier des matrices, surtout lorsqu’elles sont phalliques comme Arkadina, et flamboyantes comme l’immense comédienne qu’est Marina Hands ! Intéressante nouveauté dans cette nouvelle version du chef-d’œuvre de Tchekhov : Elsa Granat la dote d’un prologue qui invente la jeunesse d’Arkadina et raconte la genèse de la crise. La psychologie n’excuse pas : elle explique. Le théâtre éclaire le théâtre.
Femme, vie, liberté
Marina Hands est sublime dans le rôle de cette actrice automnale, dont on comprend enfin ce qu’elle a à perdre si la génération suivante devient sa rivale : on a vu les couleuvres avalées et les sacrifices consentis. Elle s’en souvient et elle prévient. Elle raille et regrette, fustige et se ressaisit, s’effondre et se reprend, bourreau parce que victime, pitoyable dans son incapacité à être en même temps mère et actrice, mère et amante, protectrice et désirable. Si Arkadina est le monstre égoïste que les hommes qui mettent en scène la pièce s’appliquent à exhiber, peut-être fallait-il une femme pour dire qu’elle est aussi une mouette sacrifiée.
Hystérie et absolu de la jouissance
Julie Sicard, Loïc Corbery, Bakary Sangaré, Nicolas Lormeau, Adeline d’Hermy, Julien Frison, Birane Ba, Dominique Parent, Edouard Blaimont et Blanche Sottou complètent la distribution de cette mise en scène tendue, où les femmes sont folles comme chez Charcot, frappées par ce mal qu’on ignore être une construction historique et sociale. Force de la proposition d’Elsa Granat : les hommes sont aussi hystériques, pétris par l’angoisse et la phobie qui les saisissent face à Arkadina, la femme qui se barre, la femme barrée, celle qu’on dit femme et qu’on diffame, pour plagier Lacan. Si la proposition d’Elsa Granat est clivante, c’est peut-être que sur ces questions, la société est toujours clivée. Elle se ressaisira, promet Marina Hands, après l’orage.
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