[critique] Les Filles d'Olfa : Mise en scène d’une disparition

© Jour2Fete

Kaouther Ben Hania nous raconte l’histoire d’Olfa Hamrouni, mère de quatre filles, dont les deux aînées ont disparu en 2015. Entre fiction et documentaire, le film livre une réflexion bouleversante sur les relations mère-fille au sein d’une société patriarcale où la violence est à l’ordre du jour.

Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes, Les Filles d’Olfa a été réalisé par le biais d’un dispositif hors normes : mettre en scène les souvenirs d’Olfa et ses filles Eya et Tayssir, en faisant interpréter à deux actrices le rôle des sœurs absentes, Rahma et Ghofrane, et à une troisième celui de leur mère dans les moments les plus éprouvants.

À l’instar de ses films précédents, notamment Le Challat de Tunis (2014) et La Belle et la Meute (2017), la cinéaste tunisienne mêle la fiction au documentaire pour faire revivre les faits, au lieu de simplement les raconter. Au fur et à mesure du récit, la distinction entre comédiens et protagonistes réels devient de plus en plus floue, d’autant plus qu’Olfa, avec son caractère expansif, s’impose comme un véritable personnage de cinéma.

À son image, ses filles cadettes sont très à l’aise face à la caméra, jusqu’au point de donner l’impression de jouer des rôles. Le film interroge cette ambiguïté entre réalité et fiction en insérant au sein de leur histoire intime une réflexion sur le travail des acteurs et la distance qu’il leur faut prendre avec leurs personnages pour ne pas se laisser submerger par le réel.

Transmission

À travers la reconstruction de leur passé, Kaouther Ben Hania nous amène à découvrir la raison de la disparition de Rahma et Ghofrane qui, après avoir adhéré à l’islamisme radical, ont quitté leur famille pour rejoindre un groupe djihadiste en Lybie. Plutôt que questionner l’évènement en soi, la réalisatrice interroge la relation viscérale avec leur sœur et leur mère, dont le comportement contradictoire donne lieu à des moments frappants.

Autant, Olfa avait souhaité être indépendante dans sa jeunesse, autant elle s’est, par la suite, montrée autoritaire envers ses filles, leur infligeant les mêmes restrictions qu’elle avait subies. Se terminant avec un gros plan sur le visage de la fille de Rahma, qui ayant grandi dans la prison où sa mère et sa tante ont été incarcérées, n’a jamais connu la lumière du jour, Les Filles d’Olfa livre le constat accablant que pour des femmes nées dans une société patriarcale la transmission des traumas est un cercle sans fin.

Les Filles d'Olfa, sortie le 5 juillet 2023 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

Partager cet article sur :

Nos derniers articles

Révélée à Cannes avec Un monde (2021), plongée hypersensible dans le phénomène du harcèlement scolaire, la réalisatrice belge Laura Wandel poursuit son exploration des fragilités de l’enfance.

Pour son deuxième long métrage, la réalisatrice japonaise Chie Hayakawa décline les luttes intérieures et l’imaginaire d’une préadolescente confrontée au deuil annoncé de son père et au manque d’attention de sa mère. Un film d’une sensibilité extrême évitant tout pathos.

Publié le 1 septembre 2025 [Cinémas]

Un homme, en pleine discorde au téléphone avec sa compagne, cherche la sortie dans un couloir de métro. Étrangement, l’homme se retrouve seul et, à chaque tournant, il revient toujours au même endroit. Que se passe-t-il ? Il découvre alors les règles d’un jeu cruel, le seul moyen d’atteindre la sortie 8.

Mis à jour le 29 août 2025 [Cinémas]

Paris figure parmi les villes les plus filmées au monde avec près de 900 tournages annuels, et fascine cinéastes français et internationaux. Cette sélection présente des lieux de tournage phares, illustrés par des exemples de films, offrant une nouvelle manière de découvrir la ville à travers son histoire cinématographique.

La newsletter

Chaque mercredi, le meilleur des sorties culturelles à Paris avec L'Officiel des spectacles !