[critique] The Substance : Rouillez jeunesse !

© Metropolitan FilmExport

Le nouveau film de Coralie Fargeat, Prix du scénario à Cannes, pousse dans ses ultimes retranchements le fantasme de jeunesse éternelle véhiculé par Hollywood.

Elisabeth Sparkle, après avoir conquis Hollywood, remporté un Oscar et arpenté les tapis rouges les plus prestigieux, a vu petit à petit son étoile se ternir. Passé cinquante ans, la voici animatrice d’une émission d’aérobic. Son producteur, pas exactement la crème des gentlemen, la trouve un jour trop vieille et décide de la remplacer. Renvoyée sans autre forme de procès, Elisabeth voit son monde s’effondrer. Elle reçoit alors une mystérieuse proposition : si elle le souhaite, un produit révolutionnaire, la Substance, peut créer une « meilleure version » d’elle-même, plus jeune et plus séduisante…

Coralie Fargeat fit parler d’elle en 2018 avec son premier film, Revenge, récit extraordinairement brutal du viol d’une jeune femme suivi de sa vengeance. La réalisatrice y faisait déjà montre d’une belle maîtrise de la caméra, et d’un goût assumé pour le cinéma de genre le plus sanglant. Faisant suite, en cela, aux grands anciens tels que George A. Romero ou John Carpenter, c’est par le prisme de la série B que Fargeat exprimait ses préoccupations politiques féministes. C’est également le cas pour ce nouveau film, Prix du scénario à Cannes, qui pousse dans ses ultimes retranchements le fantasme de jeunesse éternelle véhiculé par Hollywood. Le choix de Demi Moore, immense star des années 1990, se révèle particulièrement pertinent pour incarner Elisabeth Sparkle. L’actrice, qui subit elle-même une pression énorme vis-à-vis de son corps depuis ses débuts, sait mieux que personne ce que ressent son personnage. Face à son « double », interprété par l’étonnante Margaret Qualley, Demi Moore se montre telle qu’en elle-même : imparfaite, vieillissante, et magnifique.

Le body horror fait parler les corps

Fable fantastique évoquant Le Portrait de Dorian Gray, The Substance s’inscrit également dans la tradition du body horror, genre popularisé par David Cronenberg (notamment avec La Mouche). Le body horror expose frontalement des corps altérés, modifiés, mutants, symboles d’angoisses fondamentales (peur de la maladie, de l’intrusion, de la folie, de la perte de contrôle…). De fait, le corps supplicié d’Elisabeth Sparkle, conséquence de l’utilisation de la Substance, exprime mieux qu’aucun discours la monstruosité de ce culte de la jeunesse et de la beauté que nous subissons (et avant tout les femmes, bien sûr) et auquel, souvent, nous participons.

The Substance, sortie le 6 novembre 2024 : toutes les séances à Paris et en Île-de-France

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